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Le sang appelle le sang et la vengeance ne sera pas un plat à manger froid, cette fois-ci! Mais il y a de fortes chances que la riposte du Hezbollah se fasse bien loin du lieu du délit. Elle pourra se concrétiser par une opération menée à bien sur un continent qui n’est pas le nôtre. Peut-être bien en Afrique, en Europe et pourquoi pas dans le Sud-Est asiatique. Il faut croire que la milice n’est plus en mesure de rendre les coups depuis son fief du Jabal Amel qui n’en peut mais, elle a mordu la poussière après le knock-out asséné par les pagers (bipeurs ou téléavertisseurs), et dans ses rangs, les victimes se comptent par milliers. Il lui faudra du temps pour retrouver ses esprits et sa combativité comme pour remettre de l’ordre dans ses rangs décimés ou encore sous le double choc.

Saison de migration vers le Nord 

La vengeance peut être exportée et la némésis peut frapper sous d’autres latitudes, mais cela ne veut pas dire que nous, Libanais, serons à l’abri. Un attentat contre une synagogue en Argentine, par exemple, ne laissera pas notre pays indemne pour autant. Car, qui peut présumer qu’Israël ne saisira pas le moindre prétexte pour lancer sa campagne d’envergure sur le Liban-Sud. On se souvient de l’assassinat de l’ambassadeur israélien à Londres qui déclencha l’invasion de 1982, qu’Ariel Sharon avait mise au point bien avant l’attentat sur le sol britannique.

Hypothèses et supputations, me direz-vous! Mais une chose est certaine: nous allons vivre incessamment un chapitre douloureux, et une "saison de migration vers le Nord". La population civile, jusqu’à la rivière Wazani, ne se sentira plus en sécurité et la peur n’épargnera pas les habitants de la banlieue sud de Beyrouth. Nos pauvres concitoyens, encombrés de leurs marmailles et baluchons, vont "transhumer": ils se déplaceront en direction de Jounieh, de Jbeil, de Tripoli et du Akkar, vers la Békaa voire en Syrie où le régime de Bachar al-Assad leur a fait de la place. Car, à l’évidence, les zones frontalières vont être écrasées sous des tapis de bombes, missiles et drones.

Je n’ai en mémoire que l’opération Desert Storm, lancée en janvier 1991 sous la houlette des États-Unis, opération qui a compté 100.000 sorties aériennes et le largage de 90.000 tonnes de bombes. Son objectif était de déloger les troupes irakiennes du Koweït. Aux dernières nouvelles, l’État hébreu a déployé la 98e division à nos frontières; cette division de parachutistes et de commandos qui compte entre 10.000 et 20.000 soldats a été dernièrement retirée de Khan Younès et va sur l’heure renforcer la 36e division déjà positionnée de l’autre côté de la Ligne bleue1. Parce qu’Israël ne fera pas dans la dentelle et ne commettra pas les erreurs tactiques commises lors du conflit de l’été 2006 avec le Hezb. C’est que l’intention est, non seulement de nettoyer et démilitariser une zone du sud libanais, mais aussi d’occuper un territoire dans l’intention de s’y maintenir.

Les victimes et le ratio entre combattants et civils

Si notre souci premier est le sort des civils, il est indispensable de rappeler à notre mémoire ce rapport des Nations unies: "Les civils continuent d’être les premières victimes des conflits armés actuels. Il y a parmi eux plus de tués et de blessés que parmi les forces combattantes… Les civils sont également confrontés aux violences sexuelles, à la torture, aux disparitions, aux déplacements massifs et à l’insécurité alimentaire, voire la famine "2. Il est difficile dans le feu de l’action de calculer le ratio des victimes entre combattants et civils. Ce n’est que lorsque les armes se taisent qu’on peut le faire avec plus ou moins de précision. Si le décompte des morts est plus vite fait dans les rangs des troupes qu’au sein de la population prise dans sa totalité, il n’en reste pas moins qu’à Gaza, qui fut le terrain de choix de la disproportionnalité, les chiffres parlent d’eux-mêmes3.

Certains prédisent au Liban-Sud et à la Cisjordanie le même destin que Gaza. D’autres crânent en rappelant l’exemple de Stalingrad et du combat héroïque face à la machine de guerre nazie. D’autres encore clament tout haut que l’esprit de la résistance islamique ne s’éteindra jamais. Certes, on peut estimer que l’honneur est sauf et que le courage n’a pas manqué aux belligérants. Mais doit-on pour autant cracher sur la résolution 1701, puisqu’après tout Israël ne peut être rayé de la carte, même si certains millénaristes continuent de prêcher sa destruction? Malheureusement, à ce stade, il n’est plus possible de parler de paix, ni de pause humanitaire, encore moins de cessez-le feu.

C’est le maelström qui nous attend, nous qui attendons que le Hezbollah ait pansé ses plaies pour rendre les coups.  Nous vivons encore une fois l’ambiance d’une veillée d’arme! Et la milice iranienne va probablement nous étonner. N’est-ce pas qu’elle se jetterait dans la fournaise plus tôt que prévu?

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1-Emanuel Fabian, "Tsahal déploie la 98e division dans le nord d’Israël", Times of Israel, 18 sept 2024.

2-Nations unies, Centre régional d’information pour l’Europe occidentale, "Conflits: les victimes civiles en 6 chiffres", 26 mai 2021.

3-Louise Beaumais, "Le décompte des victimes à Gaza: des chiffres qui parlent d’eux-mêmes", Science Po, Center for International Studies, Les Dossiers du CERI, 2024.

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