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Les événements des 17 et 18 septembre resteront à jamais gravés dans la mémoire collective d’un Liban déjà accablé par une série interminable de crises, de guerres, de violence et de conflits.

Ce que cette petite nation a traversé, et continue d’endurer, dépasse de loin la résilience de n’importe quel peuple (à l’exception peut-être du peuple palestinien, dépossédé de sa terre depuis plus de sept décennies avec la complicité de la communauté internationale, et qui persévère dans sa lutte acharnée pour la récupérer, malgré un lourd tribut).

Le Liban est profondément divisé, et le fossé entre les Libanais semble se creuser davantage, peut-être même plus qu’au temps de la guerre civile (1975-1990), lorsque des factions s’abritaient derrière des barricades. Cette sombre période s’est, en effet, achevée sans qu’il y ait eu d’éclatement du pays en micro-états confessionnels, bien que des appels à de telles divisions aient refait surface dans certains milieux, augurant de conséquences désastreuses pour l’avenir du pays.

Les Libanais sont en désaccord sur presque tous les aspects de la vie: des préoccupations quotidiennes aux stratégies de défense, en passant par la politique étrangère. Ces divisions internes ne sont certes pas nouvelles, mais elles sont exacerbées par des allégeances extérieures cherchant à étendre leur emprise sur la scène politique libanaise. Pourtant, il est impossible d’ignorer que ces clivages se sont approfondis et que leur ancrage au sein de certaines communautés les rend plus dangereuses que de simples querelles éphémères dans de débats stériles typiquement libanais.

Le bref élan de solidarité nationale survenu après la destruction de milliers de bipeurs et de talkie-walkies, bien que sporadique et éphémère, doit être exploité pour initier un chemin politique et social. Si cette sympathie spontanée, qui a suivi les scènes tragiques de blessés devant les hôpitaux, ne peut être considérée comme un tournant fondateur ou un changement radical, elle peut néanmoins servir à rétablir, petit à petit, la confiance brisée entre les factions libanaises.

Il est impératif que les Libanais s’engagent dans un véritable dialogue, non pas pour débattre sans fin, mais parce que les alternatives sont tout simplement désastreuses. Ces alternatives ne feraient que cristalliser les divisions existantes, accentuer la fragmentation, paralyser davantage les institutions constitutionnelles et politiques, et éloigner le pays de la paix civile, de la stabilité et de toute perspective de croissance économique.

Il est vrai que certains courants politiques estiment que la présence des armes du Hezbollah expose le Liban aux menaces israéliennes, mais la véritable question demeure: ces menaces n’existaient-elles pas bien avant l’apparition de ces armes? En effet, Israël n’a-t-il pas violé la souveraineté du Liban par terre, mer et air pendant des décennies?

Cette question ne vise pas à légitimer la présence des armes, car il est essentiel d’atteindre un stade où elles seront placées sous l’autorité exclusive de l’État, seul détenteur légitime du pouvoir de décision en matière de guerre et de paix. En effet, il devient impératif d’élaborer une stratégie de défense nationale pour permettre à l’État de protéger efficacement ses frontières, comme c’est le cas dans tous les pays du monde.

Mais tant que ce stade n’est pas encore atteint, il est impensable de reculer face aux périls actuels, notamment à la lumière des évènements récents à Gaza, où un génocide a été reconnu par les plus hautes instances internationales, telles que les Nations Unies, la Cour internationale de justice et d’autres institutions de défense des droits de l’Homme, qui ont documenté des violations graves et sans précédent dans la bande de Gaza.

Peut-on saisir cette occasion, aussi douloureuse et difficile soit-elle, pour ouvrir la voie à un nouveau climat politique au Liban? Un climat qui commencerait par l’élection d’un nouveau président, rétablirait le fonctionnement normal des institutions, renforcerait la protection contre les vulnérabilités internes et apaiserait les tensions brûlantes entre les factions libanaises.

Si ce changement crucial ne se produit pas maintenant, alors quand peut-on espérer le voir se réaliser?