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Après l’humiliante débâcle des armées arabes lors de la Guerre des six jours, en juin 1967, le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait attribué la défaite de son pays, ainsi que celle de la Jordanie et de la Syrie, à la suprématie aérienne israélienne. Depuis, en un peu plus d’un demi-siècle, cette suprématie n’a cessé de croître à un rythme exponentiel, tandis que, dans le même temps, le potentiel militaire arabe ne cessait de connaître un déclin tout aussi exponentiel, au point que l’État hébreu a atteint le stade du contrôle total et absolu de l’espace aérien de la région – avec, par moments, les alliés occidentaux –, comme l’illustrent, d’ailleurs, les raids massifs continus contre les positions du Hezbollah au Liban-Sud et dans la Békaa.

Au stade actuel, la supériorité de l’aviation israélienne est renforcée encore davantage par des moyens techniques particulièrement sophistiqués assurés par les satellites espions, l’intelligence artificielle (IA) et les drones, de plus en plus performants. Il en résulte l’impressionnante capacité dont sont dotés les outils israéliens de collecte, d’analyse et d’exploitation des données et des informations à caractère militaire.

Face à la suprématie aérienne absolue et à ce gouffre technologique qui ne cesse de s’approfondir avec Israël, le Hezbollah – et le camp iranien, d’une manière générale – affiche un vaste arsenal de missiles et de drones, ainsi qu’une mobilisation populaire fondée sur le culte du martyre. Cela assure, certes, une capacité de "nuisance" et de destruction non négligeable, mais nous demeurons bien loin (très loin) de l’objectif recherché, à savoir la mise en place d’une "force dissuasive" et l’établissement d’un nouveau rapport de forces, plus équilibré, avec l’État hébreu, dans la perspective de la grande confrontation avec l’adversaire. C’est précisément à ce niveau que le bât blesse, car le camp dit "obstructionniste" n’a, à ce stade, nullement les moyens de combler, même partiellement, le fossé technologique qui le sépare d’Israël.

Confrontée à une telle réalité, l’opinion libanaise est en droit d’interpeller haut et fort le directoire du Hezbollah pour lui réclamer des comptes en soulevant la question de l’opportunité de son initiative (unilatérale) de réactiver le front du Liban-Sud dans un contexte objectivement défavorable sur le triple plan local, régional et international. L’objectif de la "libération" n’est que pure chimère. Quant au but défini dès le 8 octobre dernier – alléger la pression militaire sur le Hamas – il s’est avéré n’être que de la poudre aux yeux pour justifier une initiative guerrière foncièrement irrationnelle et qui, de surcroît, ne concerne en rien le Liban.

Nul n’est dupe… Le projet politique du Hezbollah, sa vision et ses calculs sont fondamentalement de nature transnationale. Pour le directoire du parti, le Liban ne représente qu’un simple pion sur le grand échiquier iranien. En réactivant le front du sud, le Hezb n’avait d’autre objectif que de servir les intérêts supérieurs géostratégiques du régime des mollahs. Il était d’ailleurs tenu de le faire, sur base de la doctrine du parti, élaborée au milieu des années 1980 sous l’égide des Gardiens de la révolution islamique iranienne.

Le Hezbollah tient donc tout le Liban en otage afin de consolider la position de Téhéran dans sa confrontation avec le camp occidental. Cependant, certains indices pointent à l’horizon, laissant penser que le pouvoir iranien pourrait s’engager sur la voie d’un accord global avec Washington en sacrifiant, dans une certaine mesure, ses alliés locaux, dont notamment le Hezbollah. Le Guide suprême Ali Khamenei a ainsi déclaré récemment, très explicitement, qu’un "recul politique ou militaire tactique face à l’ennemi est tout à fait envisageable". Quant au nouveau président iranien fraîchement élu, il a prôné, il y a quelques jours, l’établissement de "bonnes relations" avec les États-Unis, ajoutant que "les Américains sont nos frères". De quoi faire réfléchir les inconditionnels de l’axe "obstructionniste" qui devraient peut-être s’habituer à l’idée que dans le grand jeu des nations, la raison d’État a "des raisons que la raison ne connaît pas". Et dans ce grand jeu, les acteurs de second rang finissent parfois par ne plus avoir leur toute petite place au soleil…

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