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L’affrontement entre le Hezbollah et l’État israélien passe le cap et les règles d’engagement sont complètement bouleversées. On n’est plus dans un scénario de coexistence entre un État libanais anéanti et un mouvement terroriste qui gagne du terrain sur ses décombres alors qu’il a perdu toute consistance et été réduit à une fiction juridique dont se sert la politique de subversion hezbollahie pilotée par le régime iranien. La guerre d’attrition menée par l’État israélien a déjà entamé la capacité opérationnelle du Hezbollah, dévoilé ses faiblesses structurelles et exposé ses failles sécuritaires. Le processus ne fait que commencer et va se poursuivre jusqu’à son aboutissement, celui de la destruction du Hezbollah en tant qu’entité militaire et politique. La diplomatie internationale est largement dépassée par l’action sur le terrain et la stratégie des arrangements sécuritaires qui ont prévalu depuis l’entrée en vigueur de la résolution 1701 fait désormais partie d’un passé révolu.

On s’interroge à ce stade sur l’opportunité d’une trêve dont le but est de fixer des lignes de démarcation qui ne correspondent plus aux réalités du terrain. Le seul argument invoqué est celui de l’évitement des dérapages sécuritaires de grande ampleur qui peuvent mettre l’ensemble de la région à feu. Or, les évolutions sur le terrain attestent le contraire dans la mesure où la situation à Gaza n’est plus que l’effet résiduel d’une guerre largement entamée. L’Iran est dans un état de désorientation principalement dû à ses déficiences militaires manifestes et à son incapacité à contrecarrer la stratégie d’encerclement américaine, aux aléas de la militarisation du nucléaire, au caractère offensif de la politique israélienne, aux incidences sécuritaires de la crise de légitimité du régime et à l’opposition frontale des forces de l’opposition iranienne, ainsi qu’à l’absence d’une alliance stratégique crédible. Les déclarations du président iranien et du ministre des Affaires étrangères reflètent l’amenuisement de la marge de manœuvre de l’Iran. Ils veulent à tout prix sauver un régime aux abois, quelles que soient les concessions de circonstances.

L’Iran tente, par tous les moyens, de contourner les engrenages conflictuels qui se profilent à l’horizon, alors que ses manœuvres dilatoires et ses équivoques stratégiques prolifèrent dans tous les sens. Les enjeux sécuritaires israéliens sont également ceux des démocraties occidentales et des régimes arabes en quête de solutions négociées et de politiques de stabilisation aux recoupements multiples. Ces retournements abrupts de la politique étrangère iranienne sont objet de doute et répercutent surtout les impasses d’une politique de projection démesurée et difficilement maîtrisable.

La fin de l’épisode du Hezbollah renvoie à l’échec avéré de la stratégie iranienne qui fait face, pour la première fois, à une opposition frontale qui remet en cause son hégémonie et ses projets d’avenir. La défaite du Hezbollah est l’unique sérieuse tentative d’endiguement à la dynamique de subversion mise au point par la politique de puissance iranienne, dans laquelle il joue un rôle majeur et irremplaçable. Autrement, la contre-dynamique israélienne déjoue les calculs du nouvel axe totalitaire et met en relief la continuité entre cet axe et les enjeux de criminalité organisée montée et dirigée par le Hezbollah et les régimes voyous d’Amérique latine (Venezuela, Nicaragua, Cuba, etc.), les kleptocracies africaines et les réseaux mafieux mondialisés. La portée de cette offensive rappelle la nécessité de revoir les grilles de lecture et les scénarios d’action. Les enjeux sécuritaires d’Israël renvoient au-delà de leurs spécificités à ceux des démocraties occidentales et aux effondrements géostratégiques et crises de légitimité d’un monde arabe sans repères. C’est d’ailleurs le pari du régime iranien qui n’a d’autre issue que la politique de déstabilisation et l’extension des friches sécuritaires.

L’État libanais et, par voie de conséquence, l’entité nationale libanaise n’en sortiront pas indemnes dans la mesure où ils n’ont jamais pu réhabiliter leur stature étatique et nationale et se dépêtrer des condominiums alternatifs qui ont transformé ce pays en plateforme opérationnelle à des politiques de subversion régionale. Le conflit sur le terrain libanais change de logiciel et le Liban se trouve confronté à des défis stratégiques, géopolitiques et à des choix politiques qui laissent peu de latitude aux ambiguïtés statutaires, aux questions épineuses de légitimité nationale et de culture politique consensuelle. Les choix de démocratie consociative et libérale n’ont jamais été entérinés par des consensus intercommunautaires et l’ont rendu vulnérable aux politiques de puissance et aux entreprises de déstabilisation impulsées par les idéologies transnationales (arabisme, islamisme), par les guerres d’influence inter-islamiques et par l’effondrement de l’ordre régional et le retour à l’état de chaos originel.

La faillite de tous les condominiums qui se sont succédé finira par étendre les friches sécuritaires dans une région qui n’a jamais réussi à asseoir des équilibres géopolitiques, stratégiques et politiques sur la base de choix démocratiques, de réciprocité morale et de résolution négociée des conflits. La fin de la dystopie meurtrière du chiisme militant est doublement pénalisante dans la mesure où elle remet en question la politique iranienne de subversion, scelle la fin d’une ère et remet le pays devant le défi de se réinventer sur la base d’options stratégiques suffisamment solides pour sanctuariser des choix démocratiques et de communauté de valeurs dont il s’est recommandé historiquement, ou prendre acte de sa mort.

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