Cette expression de Freud décrit " les oppositions qui surgissent entre des individus ou des groupes que les tiers considèrent comme identiques ou similaires ".

Les différents groupes ou partis issus de la révolution d’octobre n’y ont pas échappé. Ils ont fonctionné comme un microcosme de la société libanaise. L’exemple le plus simple et le plus futile de cette société libanaise sont les numéros d’immatriculation. Les Libanais excellent dans cet exercice. Avoir des numéros qui se distinguent : par exemple 222222, ou 200222, ou 200000 ; ou numéros à quatre chiffres quand on ne peut obtenir les numéros à trois chiffres, ce qui est le nec plus ultra.

Quel intérêt ont ce genre de numéros ?

Il y a un certain plaisir à regarder une suite de numéros. Les joueurs en savent quelque chose.

Mais dans ce cas, les conducteurs ne les voient même pas. Nulle autre part au monde les propriétaires de véhicules ne cherchent à se distinguer ainsi. Cette futilité est donc propre au Liban. Mais derrière cette futilité se cache bien autre chose : l’envie. Le seul gain qu’on peut en tirer c’est l’effet que cela fait sur les autres conducteurs, à savoir les rendre envieux.

L’envie est un sentiment féroce qui peut se transformer en haine destructrice. À la vue du bonheur ou d’un avantage quelconque chez l’autre, l’envieux perd toute contenance. Il est capable du pire. Saint Augustin décrit ce qu’il appelle l’invidia, soit quand le petit enfant voit sa mère donner le sein à un puiné. Le regard fixe, vitreux, l’enfant est pris par une envie féroce, mêlée de dépit et de haine.

Cette habitude typiquement libanaise est corroborée par une légende racontée par un officier de l’armée. Deux détenus sont sur le point d’être exécutés. L’officier demande au premier : " Quel est votre dernier souhait avant de mourir " ? Le prisonnier répond : " Serrer ma mère dans mes bras ". Il demande au second : " Et vous quel est votre dernier souhait " ? " Empêchez-le de serrer sa mère dans ses bras ".

Cette légende indique bien la force destructrice de l’envie.

Les sympathiques héros de la révolution du 17 octobre n’ont pas fait mieux. En allant dispersés aux élections du 15 mai prochain, ils ont saboté tous les acquis de ce formidable soulèvement qui a réuni un nombre incroyable de Libanais qui ont fait cette révolution et se sont reconnus les uns les autres comme des citoyens libanais et non plus comme des chrétiens, musulmans ou druzes…Ils ont bousculé, pour la deuxième fois après le rassemblement du 14 mars 2005, la fameuse réflexion de Georges Naccache " Deux négations ne font pas une nation ".

Malheureusement, les groupes et partis issus de la Thaoura n’ont pas réussi à dépasser ce narcissisme des petites différences et se présentent aux élections en ordre dispersé en courant le risque de n’obtenir que très peu de voix et donc peu de sièges au Parlement.