Bien qu’engagés ensemble dans la bataille électorale, les deux camps du président de la République Michel Aoun et de la Chambre, Nabih Berry, dont les rapports n’ont jamais été au beau fixe, ont récemment replongé dans les querelles et les échanges d’accusation.

Réagissant au quart de tour à une question relative aux critiques du président Aoun contre le tandem Amal-Hezbollah, le président de la commission parlementaire des Finances et du Budget Ali Hassan Khalil (Amal) s’est déchaîné contre le chef de l’Etat. " Il est vrai qu’il ne nous a pas nommés mais il était évident qu’il parlait de nous. Ma question est la suivante : qui a bloqué les permutations judiciaires pendant deux ans ? Il est important que le chef de l’Etat y réponde et qu’il nous explique les raisons pour lesquelles l’action de la justice a été bloquée de ce fait ", a lancé Ali Hassan Khalil.

Dimanche, répondant aux questions de la presse au sujet du blocage l’enquête sur l’explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth, Michel Aoun en avait attribué la responsabilité au tandem Amal-Hezbollah, mais sans le nommer :  " C’est la même partie qui a bloqué le Conseil des ministres. Elle est connue. Pourquoi me posez-vous la question alors que vous connaissez la réponse " ? Il faisait ainsi allusion à la campagne menée par Amal et le Hezbollah contre le juge d’instruction Tarek Bitar et la cascade de recours présentés contre lui par les avocats des responsables politiques proches de ces deux formations et dont la responsabilité administrative avait été retenue par le magistrat. M. Aoun faisait aussi allusion au blocage du gouvernement par les ministres chiites qui s’étaient retirés d’une de ses réunions quelques semaines seulement après sa formation en septembre 2021 pour le contraindre à prendre position contre Tarek Bitar.

Poursuivant sur sa lancée, Ali Hassan Khalil a aussi accusé le chef de l’Etat de pratiquer d’autres blocages : " Celui qui appelle à la préservation des équilibres au niveau des institutions nationales et qui bloque en même temps des décrets relatifs à des nominations administratives de troisième catégorie, contrairement à l’ordre public et à la Constitution, ne peut pas user de pressions pour la signature d’un décret qui porte atteinte à ces équilibres ". Il a critiqué dans ce cadre ce qu’il a appelé " un déséquilibre au niveau de l’assemblée plénière de la cour de cassation, du fait de l’ajout d’une nouvelle chambre à celles que compte cette cour ".

Le député défendait ainsi le refus du ministre des Finances Youssef Khalil, également proche d’Amal, de signer le décret relatif aux nominations judiciaires partielles visant à combler le vide au niveau des présidences de plusieurs chambres près la cour de cassation. Ce blocage se répercute sur le traitement de plusieurs dossiers, notamment celui de l’enquête au sujet de l’explosion du 4 août.

Le décret avait été pourtant signé par le ministre de la Justice Henry Khoury. M. Khalil a pour sa part estimé, dans un communiqué, samedi, qu’il comprenait des " failles fondamentales " en allusion à une répartition communautaire qui serait déséquilibrée. Cet argument ne serait pas justifié selon un groupe d’avocats et des activités qui avaient manifesté samedi devant l’appartement du ministre pour le pousser à signer le document et à débloquer ainsi l’enquête sur l’explosion au port. Il servirait surtout de prétexte au tandem Amal-Hezbollah pour empêcher Tarek Bitar de poursuivre son enquête en paralysant la magistrature qui ne peut pas ainsi plancher sur les recours présentés contre le juge.