Les collectifs de la contestation n’ont pas voulu faire passer l’élection du directoire de la Chambre issue des législatives du 15 mai 2020, sans faire entendre leur voix et, surtout, sans montrer qu’ils sont bel et bien représentés dans la nouvelle Assemblée, où siègent treize députés issus de la contestation. Une manière de rappeler que la bataille politique n’est pas terminée et que les élections ne sont qu’une étape dans la quête d’un véritable changement.

C’est donc entourant leurs élus, Najat Aoun Saliba, Halima Kaakour, Marc Daou, Michel Doueihy, Melhem Khalaf, Waddah Sadek, Rami Fanj, Firas Hamdane, Ibrahim Mneimné, Yassine Yassine, Élias Jradi, Paula Yaacoubian et Cynthia Zarazir, que les contestataires ont marché jusqu’au Parlement, brandissant des drapeaux libanais et scandant les slogans du mouvement du 17 Octobre.

Parmi les slogans entendus lors de la marche, les classiques "tous, cela veut dire tous" et "révolution, révolution" ont été entonnés, ainsi que d’autres visant directement Nabih Berry. Considéré par les manifestants comme un symbole de la corruption, ce dernier a entamé mardi un septième mandat en tant que président du Parlement.

Accompagnant les protestataires du mouvement du 17 Octobre, des proches des victimes de l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth avançaient en silence, serrant contre eux des portraits de ceux qui avaient péri dans le drame. Leur mémoire a été saluée à la faveur d’une minute de silence observée près de la statue de l’Émigré, avant que la marche ne soit entamée. Une gerbe de fleurs a de même été déposée au pied du moment.

Du port jusqu’à la Place Samir Kassir, au centre-ville, où les députés ont marqué une pause avant d’accéder à la Place de l’Étoile, siège du Parlement, l’ambiance était euphorique, les militants sollicitant avec un enthousiasme parfois débordant les élus et les encourageant dans leur nouvelle fonction.

Les attentes des manifestants sont grandes vis-à-vis des nouveaux députés qu’ils considèrent comme étant les seuls à les représenter. Pour Mohammed, militant, c’est la première fois que "la voix du peuple parvient au Parlement", tandis que Nabil, lui, estime que cette étape constitue une "première pierre pour l’édification d’un Liban nouveau".

C’est sous un tonnerre d’applaudissements et d’encouragements, que les nouveaux élus devaient passer le barrage de la police du Parlement, ce même barrage que les manifestants avaient à maintes reprises tenté de forcer pour accéder à la Chambre et crier leur colère contre la classe politique qu’ils voulaient faire tomber, en octobre 2019. Le geste des forces de l’ordre qui ont ouvert la barrière métallique pour que ces élus puissent se rendre Place de l’Étoile a revêtu mardi une dimension symbolique que les contestataires ont saisie au vol. Musique et dabké dans la rue ont marqué cet instant, synonyme du triomphe de la Thawra.

Alors que les représentants du mouvement du 17 Octobre sont venus à pied au Parlement, les députés inamovibles décriés par la rue sont, eux, arrivés en voitures aux vitres fumées, sous forte escorte policière. Une preuve supplémentaire du fossé qui sépare ces serviteurs du peuple du reste de la classe politique.