Jusqu’où iront l’obstination haineuse et la hargne de la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun ? Jusqu’à quand les très hautes sphères du pouvoir continueront-elles à lui assurer une couverture politique  aveugle, ouvrant ainsi la voie à toutes sortes de dérapages et d’abus ?

Jeudi matin, la procureure Aoun a sévi une nouvelle fois, portant plainte, de manière saugrenue, contre : le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé ; quatre anciens vice-gouverneurs de la BDL ; l’ex-directeur du ministère des Finances, Alain Bifani ; des employés de la Banque centrale et contre le cabinet international de consultation Deloitte, qui avait audité la BDL en 2018. Le dossier a été transmis au juge d’instruction du Mont Liban, Nicolas Mansour.

La perquisition au domicile de M. Salamé s’inscrit dans le cadre des multiples interventions baignant dans l’illégalité la plus totale et qui se sont succédé, de manière intensive, depuis la nuit du mardi. Alors que M. Salamé se trouvait sur le plateau de la chaîne locale LBCI pour une longue interview, une patrouille de la Sécurité de l’État effectuait une perquisition dans sa villa de Rabieh, dans la soirée du mardi, en application du mandat d’amener émis à son encontre en février dernier. Le lendemain, la demeure a fait l’objet, d’une nouvelle perquisition qui cette fois-ci s’est faite sous la supervision de la procureure. Les lieux ont été fouillés et un inventaire des actifs a été établi. " La perquisition ne relève, en aucun cas, des compétences du procureur. C’est au juge d’instruction de le faire ", explique l’avocat Marc Habka. Ce dernier s’étonne de l’inaction du procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate. "M. Oueidate aurait dû émettre un ordre juridique administratif destiné à empêcher la patrouille de la Sécurité de l’État de poursuivre la perquisition ", insiste M. Habka.

Lorsque l’on sait que Mme Aoun a été dessaisie par le procureur général, à trois reprises, des dossiers financiers et qu’il a été demandé à la police judiciaire de ne plus obéir à ses ordres et que, plus encore, le dossier des frères Salamé a été transféré il y a quelques jours au procureur général financier, Ali Ibrahim, comment ne pas s’étonner de ces abus de pouvoir ?

D’après une source juridique, Ghada Aoun est tenue de se plier, conformément à la loi et au statut de l’autorité judiciaire au Liban, aux directives de son supérieur. " Le procureur Ghassan Oueidate est, d’après la loi, le chef hiérarchique de tous les procureurs du pays. Ce n’est pas un juge. C’est une partie qui défend la société et toute décision qui émane de lui s’impose ipso facto à tous les procureurs, y compris Mme Aoun ", martèle la source qui a requis l’anonymat. " N’oublions pas qu’à partir du moment où la juge Aoun a été dessaisie des dossiers financiers, ces affaires sont du ressort du procureur financier, Ali Ibrahim. Or non seulement elle piétine les consignes du procureur général, mais elle outrepasse la compétence légale de M. Ibrahim ", poursuit la source interrogée par Ici Beyrouth.

Rappelons, dans le même ordre d’idées, qu’une action en responsabilité de l’État avait été intentée par M. Salamé, devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, contre la procureure. Or d’après le dernier alinéa de l’article 751 du Code de procédure civile, " lorsqu’une telle action est présentée, un magistrat ne peut plus entreprendre un acte lié au plaignant ". En d’autres termes, le simple dépôt d’une action en responsabilité de l’État auprès du greffe empêche instantanément la juge de poursuivre son travail ", indique la source judiciaire, qui poursuit que cette conséquence ne s’applique pas à une demande de récusation, dont Mme Aoun a également fait l’objet, " le dessaisissement ne prenant effet que lorsque le juge en est notifié ", notification que la procureure évite par tous les moyens. Elle a réussi, parallèlement à toutes ces transgressions, à échapper à sa comparution devant le Conseil de discipline devant lequel elle a été déférée à la suite d’un voyage en France l’ayant réunie avec le richissime Omar Harfouche et après publication de tweets dans lesquels elle a attaqué le procureur de la République Ghassan Oueidate.

Face au dysfonctionnement du service public et du fait, plus particulièrement, du mutisme des hautes sphères du pouvoir, il est légitime de s’interroger jusqu’où un magistrat pourrait continuer d’agir de la sorte en faisant fi de son autorité judiciaire et en se livrant en toute impunité à ces myriades de violations et d’abus de pouvoir.