Au terme de deux longues journées de consultations non impératives au Parlement, au cours desquelles il a rencontré les parlementaires pour former son prochain cabinet, le Premier ministre désigné, Najib Mikati, a affirmé avoir "recueilli les avis des différents groupes qui sont tous soucieux de l’intérêt public". Dans une brève allocution prononcée à l’issue de ses entretiens, il a préconisé "un cabinet capable de poursuivre ce que les précédents gouvernements ont entamé", surtout en ce qui concerne les négociations avec le Fonds monétaire international.

Le Premier ministre désigné, Najib Mikati, se prononçant au terme de la journée des consultations parlementaires non impératives, mardi, place de l’Étoile. © Ali Fawaz

M. Mikati avait entamé sa journée, mardi matin, par une rencontre avec Fouad Makhzoumi, député de Beyrouth II, qui a affirmé que plusieurs sujets ont été soulevés lors des discussions, notamment "la position du prochain gouvernement vis-à-vis du triptyque peuple-armée-résistance".

M. Mikati s’est entretenu par la suite avec le député Hassan Mrad qui a souligné la nécessité pour le prochain gouvernement de rédiger sa déclaration ministérielle dans les plus brefs délais. "Tout le monde doit y participer pour mettre au point un plan d’urgence susceptible de sauver le pays", a-t-il déclaré à l’issue de l’entretien.

Jean Talouzian, député de Beyrouth I, a quant à lui affirmé que le peuple n’a qu’un seul souci: subvenir à ses besoins au quotidien. "Le plan de redressement économique ne doit pas se faire au détriment du peuple", a-t-il insisté. "J’ai demandé à M. Mikati de justifier publiquement le retard dans la formation du cabinet, si celui-ci ne voit pas le jour d’ici la fin de la semaine", a-t-il ajouté.

Jean Talouzian discutant avec Najib Mikati. © Ali Fawaz

Un gouvernement de "quotes-parts"

Pour Abdel-Rahman Bizri, député de Saïda, il est impératif que le nouveau cabinet "aborde de manière positive les dossiers susceptibles de permettre à la population de surmonter cette période difficile". "Nous espérons qu’il ne s’agira pas uniquement d’une phase transitoire, mais d’une phase qui permet de trouver des solutions concrètes" à la crise, a-t-il insisté.

Oussama Saad, député de Saïda, a estimé que les résultats des consultations sont prévisibles: soit le gouvernement actuel continuera à expédier les affaires courantes, soit le prochain cabinet sera celui des quotes-parts.

Oussama Saad s’entretenant avec Najib Mikati. © Ali Fawaz

Charbel Massaad, député de Jezzine, a quant à lui appelé à "la formation d’un gouvernement aux prérogatives exceptionnelles, composé de ministres spécialisés et indépendants", à l’instar des députés de la contestation qui avaient, la veille, participé aux consultations.

Pour Jihad Samad, député de Denniyé, il est nécessaire de "renflouer le gouvernement d’expédition des affaires courantes ou, à défaut, d’élargir la notion d’expédition des affaires courantes".

Gouvernement d’union nationale

Hassan Mrad (prosyrien), député de la Békaa-Ouest, a exprimé le souhait "qu’un gouvernement d’union nationale soit formé afin que toutes les parties puissent y participer". Il a aussi réclamé que "la communauté alaouite soit représentée au sein du cabinet".

Pour Ihab Matar, député de Tripoli, la confiance sera accordée ou pas au nouveau cabinet, selon la compétence des ministres. Soulignant que le Liban n’a pas "le luxe du temps", il a souhaité que "le prochain cabinet soit formé d’une véritable équipe de travail, qu’il fixe ses priorités et qu’il trouve des solutions" aux multiples crises: l’argent des déposants, l’électricité… "J’ai également demandé à M. Mikati de se pencher sur la situation des habitants de Tripoli, notamment après le naufrage de l’embarcation (le 23 avril, en soirée) et de l’effondrement de l’immeuble vétuste dans le quartier de Kobbé (26 juin)."

Le député Ihab Matar discutant avec Najib Mikati. © Ali Fawaz

Soulignant la nécessité de poursuivre rapidement les réformes, Bilal Hocheimi, député de Zahlé, a appelé à une formation rapide du gouvernement. "Nous devons unir nos forces pour sortir le pays de cet enfer", a-t-il martelé. Même son de cloche chez Nabil Badr, député de Beyrouth II, qui a expliqué avoir demandé à M. Mikati de "ne pas céder aux conditions imposées par les partis politiques". "L’intérêt du Liban prime sur celui des instances politiques", a-t-il insisté.

"Nous refusons le vide présidentiel"

Le chef du groupe parlementaire Liban fort, Gebran Bassil, s’est pour sa part prononcé "en faveur d’une formation rapide du gouvernement". Il a exprimé son opposition à "toute tentative visant à ôter les prérogatives" du cabinet. "Nous avons également exposé à M. Mikati les raisons pour lesquelles nous ne l’avons pas désigné" lors des consultations impératives menées jeudi dernier au palais de Baabda.

Gebran Bassil se prononçant au nom du groupe parlementaire Liban fort à l’issue de l’entretien avec Najib Mikati. © Ali Fawaz

Notant que le Courant patriotique libre ne souhaite pas faire partie du gouvernement, il a expliqué que cette décision doit encore être discutée en interne. "Nous refusons catégoriquement le vide présidentiel et avons exprimé notre souhait que les portefeuilles ministériels ne soient pas détenus par un seul parti politique ou une seule communauté", a encore insisté M. Bassil. Au menu des discussions avec M. Mikati également: la gouvernance de la Banque du Liban, l’enquête sur l’explosion du port et la délimitation des frontières.

Hagop Pakradounian, député du Metn, a appelé à accélérer la formation du gouvernement sans parier sur la présidentielle. Il a par ailleurs fait part de la volonté du groupe des parlementaires arméniens d’être représenté au sein du prochain cabinet.

Les députés du Tachnag reçus par Najib Mikati. © Ali Fawaz

Enfin, Abdel Karim Kabbara, député de Tripoli, a appelé à une formation rapide du gouvernement capable de prendre des décisions sur les dossiers sensibles, surtout l’électricité et le plan de redressement économique. Il a appelé à "être réaliste". "Ce n’est pas un cabinet qui est là pour satisfaire les grandes revendications", a-t-il conclu.

Il est à souligner que la journée des consultations de ce mardi a été boycottée par Achraf Rifi, député de Tripoli, qui a expliqué sur son compte Twitter que celles-ci "s’inscrivent dans la continuité de la politique du partage du gâteau et couvrent la tutelle (iranienne, ndlr) sur le Liban". Jamil Sayyed, député de Baalbeck-Hermel, a, lui aussi, annoncé son boycott des consultations, les qualifiant de "mascarade".