Le premier juge d’instruction près la cour de justice, Tarek Bitar, a été notifié vendredi du contenu d’une série de recours présentés contre lui par des personnalités politiques et des cadres administratifs, à l’encontre de qui il avait engagé des poursuites judiciaires et émis des mandats d’amener, dans le cadre de l’enquête sur l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth.

Selon le correspondant de l’Agence nationale d’information (ANI) au Palais de justice, Tarek Bitar a pu être notifié des recours contre lui parce qu’il est venu vendredi matin à son bureau. Il ne s’y était plus rendu depuis le 23 décembre 2021, avec le blocage de l’enquête du fait d’un défaut de quorum, à partir de janvier 2022, au sein de l’autorité judiciaire chargée de statuer sur ces recours.

Une cascade de demandes officielles visant à obtenir un dessaisissement de Tarek Bitar du dossier de l’enquête avait été présentée au cours des derniers mois contre le juge, accusé tantôt de parti pris, tantôt d’entraver le cours de l’enquête. Les anciens ministres Ali Hassan Khalil, Ghazi Zeaïter (Amal), Youssef Fenianos (Marada) et Nohad Machnouk (ancien Courant du futur) ainsi que l’ancien chef de gouvernement Hassane Diab, dont la responsabilité administrative a été retenue par M. Bitar dans le cadre de l’enquête, détiennent le record des recours en dessaisissement du dossier, présenté contre le magistrat.

Un recours avait été également présenté contre lui en décembre 2021 par le père d’une des victimes de l’explosion, Youssef el-Mawla, devant la chambre pénale de la Cour de cassation. Ce dernier accuse le magistrat d’entraver et de retarder l’enquête et lui reproche un parti pris.

Les avocats de deux responsables du port de Beyrouth détenus dans le cadre de cette affaire, Hassan Koraytem, directeur de la compagnie d’exploitation du port, et Mohammad Aouf, chef de la sécurité au sein de cette direction, avaient également saisi en mars dernier la Cour de cassation pour lui demander de confier le dossier des investigations à un autre magistrat.

L’enquête est bloquée depuis octobre 2021, non seulement à cause des recours présentés contre le juge Bitar, mais parce que l’assemblée plénière de la Cour de cassation, qui est l’autorité compétente pour statuer sur une partie de ces recours, s’est retrouvée paralysée avec le départ à la retraite d’un de ses membres. Ce départ avait provoqué un défaut de quorum qui perdure jusqu’aujourd’hui. Et pour cause: le décret de nominations de nouveaux magistrats, censé remédier à cette faille, bloque toujours au ministère des Finances, le ministre sortant, Youssef Khalil, proche du mouvement Amal, refusant de le signer.