Kiev a annoncé vouloir créer l’année prochaine un tribunal international afin de juger la Russie pour " crime d’agression " suite à son invasion de l’Ukraine. La Cour pénale Internationale (CPI) n’est en effet pas compétente pour les " crimes d’agression ", car la Russie et l’Ukraine n’on pas ratifié le Statut de Rome de 2010.

Au septième mois de la guerre, Kiev a l’intention de créer dès l’an prochain un tribunal international, afin d’y juger le président russe Vladimir Poutine et les responsables de l’invasion de l’Ukraine, a révélé à l’AFP un haut responsable ukrainien.

Ce plan en vue de la création de ce tribunal qui devra se prononcer sur le " crime d’agression " de la Russie est chapeauté par Andriï Smirnov, le chef-adjoint de l’administration présidentielle ukrainienne.

Andriï Smirnov, le chef-adjoint de l’administration présidentielle ukrainienne (AFP)

 

" C’est la seule option pour que soient tenus rapidement responsables les criminels qui ont démarré la guerre contre l’Ukraine. La meilleure, la plus rapide et la plus efficace ", a insisté dans un entretien à l’AFP M. Smirnov.

Le " crime d’agression " est similaire à la notion de " crime contre la paix " utilisée dans les procès de Nuremberg et de Tokyo au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

La Cour pénale internationale (CPI) a déjà commencé à enquêter sur les crimes pour lesquels elle est compétente — génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre — mais ne peut se saisir des accusations de " crime d’agression " car ni Moscou, ni Kiev n’ont ratifié le Statut de Rome l’établissant en 2010.

" Le monde a la mémoire courte: c’est pour ça que j’aimerais que ce tribunal se mette au travail l’année prochaine ", ajoute Andriï Smirnov en se disant " prudemment optimiste ".

Audience de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye (AFP)

 

Juriste de formation, M. Smirnov dit avoir eu l’idée de ce tribunal spécial dès le 25 février, le lendemain de l’invasion. Y seraient jugés les dirigeants politiques, le président Vladimir Poutine en tête, et le haut commandement militaires russe ayant lancé la guerre.

L’Ukraine a conscience que les responsables en question seront absents du procès mais ce tribunal devra " exister pour appeler un criminel un criminel et qu’il ne puisse pas se déplacer dans le monde civilisé ", précise M. Smirnov.

Traité international

Quelque 600 mis en cause ont été identifié par les Ukrainiens dont " des hauts responsables militaires, des politiciens et des agents de propagande ", avait affirmé au mois de mai la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova, démise de ses fonctions depuis.

Les textes sont eux déjà prêts, assure M. Smirnov. En l’occurrence, il s’agit d’un traité international que tout Etat pourra signer et ratifier, reconnaissant alors la juridiction du tribunal sur son territoire et lui permettant d’arrêter des personnalités condamnées se trouvant sur son sol.

Sans les citer, Andriï Smirnov évoque de premières signatures avec plusieurs pays avant la fin de l’année, ainsi que des négociations avec " plusieurs partenaires internationaux européens qui sont prêts à placer le tribunal sur leur territoire ".

" Nous comprenons parfaitement que les décisions de ce tribunal ne devront pas être objet de spéculation, nous souhaitons qu’elles fassent autorité ", dit-il.

Une réponse notamment aux critiques émises après la condamnation à perpétuité en mai d’un soldat russe pour le meurtre d’un civil après seulement cinq jours de procès, des juristes et des experts ayant estimé qu’un tel empressement avait nui à l’image de l’Ukraine.

Prison à vie pour un soldat russe jugé pour crime de guerre en Ukraine (AFP)

 

Malgré plusieurs réformes ces dernières années, le système judiciaire ukrainien est régulièrement critiqué pour son manque d’indépendance, sur fond de corruption, un mal endémique dans le pays.

Reste que si les négociations avec les partenaires les plus proches de l’Ukraine, comme la Pologne ou les pays baltes, sont rapides, d’autres à l’image de l’Allemagne ou la France sont plus mesurés à l’idée de ce procès qu’ils voient essentiellement comme " symbolique ".

" Certains pays, tout en reconnaissant l’agression contre l’Ukraine, essaient de laisser une petite fenêtre pour des négociations avec Vladimir Poutine ", regrette Andriï Smirnov.

Le Parlement européen a lui appelé dès le 19 mai, dans une résolution, à la mise en place de ce tribunal.

En juillet, durant une conférence internationale sur les crimes de guerre en Ukraine organisée à La Haye, le ministre néerlandais des Affaires étrangères Wopke Hoekstra avait lui aussi estimé que la question de ce tribunal était " un point très valable ".

Avec AFP