Adama Barrow a battu les cinq autres candidats aux élections présidentielles de ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest. Il est parvenu à devancer son ancien mentor, Housainou Darboe, le challenger le plus solide qui n’avait environ que 30000 voix derrière Barrow tôt ce matin. Le scrutin s’est déroulé sous la supervision de la Commission électorale indépendante (CEI) du pays. Comme il l’avait promis, Barrow devra réclamer justice pour les crimes de l’ère Jammeh.

Les Gambiens ont réélu leur président en exercice pour un second mandat de cinq ans éloignant définitivement le spectre des années Jammeh. Des élections démocratiques ont pris le dessus aujourd’hui. L’espoir des Gambiens en une nouvelle ère de stabilité et de progrès renait.

Yassine M, résidente de Fajara, banlieue du littoral de Bakau au Nord de la Gambie, témoigne "j’attendais impatiemment ce jour pour exprimer mon choix, les élections se sont déroulées dans le calme, la police était déployée partout, nous avons fait la queue et voté dans les tentes en usant de billes de verres comme aux dernières élections".

Électeur passionné et convaincu, Francis Mendy, agent de voyage à Banjul, a appelé ses amis gambiens les exhortant de "ne pas laisser la politique et le tribalisme nous diviser’. Il les a aussi priés ’d’accepter les résultats de l’élection même si leurs candidats étaient perdants".

Amina B, comptable à Banjul concède, "je n’ai pas voté pour lui, Barrow a gagné, mais l’important est qu’il nous rende justice et qu’il poursuive les responsables des crimes commis sous l’ère Jammeh. Nous espérons qu’il tiendra sa promesse de mettre sous les barreaux ceux qui ont commis des crimes terribles et qui sont toujours en liberté".

Yahya Jammeh arrivé au pouvoir lors d’un coup d’État en 1994, est en exil en Guinée équatoriale, où il s’est enfui après avoir refusé d’accepter la défaite face à Barrow en 2016.

Le 25 novembre, le rapport-clé de la Commission de vérité, réconciliation et réparations (TRRC) qui n’a pas été rendu public a recommandé les poursuites contre les responsables de violations grossières des droits humains commises, aussi bien contre des Gambiens que des non Gambiens. Il s’agit notamment de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires, de viols et castrations, de chasses aux sorcières ainsi que des détentions arbitraires, durant plus de deux décennies des mandats successifs Jammeh. En revanche, le rapport n’a nommé personne. Plus de 240 personnes sont mortes entre les mains de l’État et de ses agents.

Près de 400 témoins ont déposé devant la TRRC, y compris des victimes et des auteurs. Entre autres sinistres témoignages, deux officiers de l’armée, Malick Jatta, un lieutenant, a déclaré que "Jammeh avait payé plus de 1 000 dollars à chacun des hommes qui ont tué le rédacteur en chef du journal Deyda Hydara en 2004". Le sergent Omar Jallow a témoigné "qu’en 2005, Jammeh avait ordonné le meurtre de 59 migrants qu’il pensait être venus pour le renverser".

À Londres, Saikou H, Gambien résidant depuis deux ans au Royaume-Uni, est déçu de ne pas avoir pu voter. "Je regrette de ne pas avoir pu participer à la vie politique de mon pays, nous, les Gambiens de la diaspora n’avons pas le droit de vote, et pourtant nous sommes une force vive du pays". En effet, la privation des droits de la diaspora gambienne touche environ 180 000 Gambiens vivant actuellement à l’extérieur du pays sur une population totale de 2.417 millions (d’après la Banque Mondiale).

Depuis que le gouvernement actuel sous la présidence de Barrow a pris ses fonctions en janvier 2017, il s’est engagé à promouvoir un régime démocratique, le respect des droits de l’homme, l’état de droit et le maintien de la stabilité politique. Le président et son équipe devront entreprendre des réformes constitutionnelles et juridiques clés pour consolider les acquis démocratiques de la Gambie.

Les recommandations de la commission TRRC sont un grand pas sur le chemin de la justice, néanmoins si elles sont nécessaires, elles restent insuffisantes pour que justice soit faite. Barrow dispose de six mois pour enclencher la procédure légale qui aboutira à juger les coupables. Cependant, un obstacle juridique et non des moindres, se pointe à l’horizon. En vertu de la loi gambienne, un ancien chef d’État ne peut être poursuivi que si l’assemblée nationale approuve la procédure à la majorité des deux tiers. Reste à savoir si le parlement consentira à entamer des poursuites contre le tyran Yahya Jammeh.

 

 

 

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