Le nouveau roi Charles III s’est rendu ce mardi en Irlande du Nord, sur fond de tensions séparatistes. Depuis la victoire du Sinn Fein aux dernières élections, l’autorité de la monarchie est, en effet, menacée dans cette région.

Charles III est arrivé mardi à Belfast pour sa première visite en tant que monarque britannique en Irlande du Nord, sous tensions au moment où il succède à Elizabeth II dans une atmosphère de ferveur populaire et d’émotion nationale.

La souveraine avait joué un rôle majeur pour la réconciliation dans la province au passé sanglant. Mais près d’un quart de siècle après le retour d’une paix fragile entre républicains, surtout catholiques, et unionistes, essentiellement protestants, les tensions ont été ravivées par le Brexit, relançant l’idée d’une séparation du Royaume-Uni et d’une réunification avec l’Irlande.

Dès son arrivée au château de Hillsborough, Charles III et la reine consort Camilla sont allés au contact des milliers de personnes massées derrière les barrières, serrant des mains, saluant les enfants, échangeant quelques mots, des images difficilement imaginables au temps des " Troubles ".

Le roi Charles III salue la foule devant le château de Hillsborough en Ireland du Nord (AFP)

 

Paralysée politiquement et en plein bouleversement sous l’effet de la victoire aux dernières élections des républicains du Sinn Fein, qui ne reconnaît pas l’autorité de la monarchie, l’Irlande du Nord reste l’étape la plus délicate de la tournée entamée par le nouveau roi dans les quatre nations constitutives du Royaume-Uni. Il a visité lundi le Parlement britannique de Londres, puis celui d’Edimbourg avant Cardiff, au Pays de Galles, vendredi.

" C’est rassurant de voir les communautés se rassembler derrière le nouveau roi ", observe Ann Sudlow, retraitée, qui s’est levée à 4h00 espérant apercevoir le monarque et se félicite d’une certaine unité dans la province, à l’image de l’émotion qui a saisi le pays depuis la mort d’Elizabeth II jeudi dernier à l’âge de 96 ans.

Veillée funèbre

A Edimbourg, des dizaines de milliers de Britanniques ont patienté des heures toute la nuit et encore pendant des heures mardi matin, pour se recueillir devant le cercueil de la souveraine, s’inclinant, faisant la révérence, se signant ou essuyant une larme devant le cercueil de chêne qui repose dans la cathédrale Saint-Gilles de la capitale écossaise.

Venue tôt mardi de Glasgow, Nataliya Dasiukevich, 46 ans et originaire de Russie, se dit d' "humeur très sombre " et peine à retenir ses larmes. " Je ne suis pas née dans ce pays et je suis loin de ma famille. La reine était ce qu’il y a de plus proche d’une grand-mère pour mon enfant ".

Les Britanniques se pressent à Édimbourg pour des adieux à la reine (AFP)

 

Placé sur une estrade et recouvert de l’étendard jaune, rouge et bleu marine de l’Ecosse, une couronne de fleurs blanches et la couronne en or massif de l’Ecosse posées au-dessus, le cercueil est resté accessible toute la nuit, gardé par quatre archers royaux et protégé par un cordon qui tient le public à distance de plusieurs mètres.

Le roi Charles III et ses trois frères et sœur, les princes Andrew et Edward, et la princesse Anne, sont venus dans la soirée avec la reine consort Camilla observer une veillée funèbre. La photo des enfants d’Elizabeth II, dos au cercueil, a fait la une de tous les quotidiens mardi.

Moment critique

Le corps d’Elizabeth II, qui a régné pendant 70 ans, avait jusqu’à lundi soir été tenu à l’écart du grand public: d’abord au château de Balmoral, dans le Nord de l’Ecosse, où la monarque s’est éteinte jeudi à l’âge de 96 ans, puis au palais royal d’Holyroodhouse.

Figure populaire, roc de stabilité dans la tempête tantôt politique, sociale ou sanitaire pendant le Covid-19, la reine était une image rassurante pour des millions de Britanniques durant toutes ces décennies sur le trône.

Tensions en Irlande du Nord, velléités indépendantistes en Ecosse, inflation galopante qui plombe le pouvoir d’achat, le nouveau roi de 73 ans, plus âgé que tous les souverains britanniques à leur accession au trône, s’installe dans ses fonctions dans un moment critique. Le pays, en proie à une grave crise sociale et politique, a une nouvelle Première ministre depuis quelques jours à peine.

Le cercueil de la reine sera ensuite présenté au public londonien (AFP)

 

Le roi devra probablement affronter les revendications de certains de ses 14 autres royaumes (comprenant notamment l’Australie, les Bahamas, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou encore la Jamaïque) qui pourraient être tentés par un régime républicain à la faveur de ce changement de souverain.

" Je crois que c’est la direction que prendra la Nouvelle-Zélande à un moment donné, je crois qu’il est probable que cela se produise de mon vivant, mais je ne vois pas cela dans le court terme ", a déclaré la Première ministre de Nouvelle-Zélande Jacinda Ardern.

Avion royal

Poursuivant son dernier voyage, la dépouille de la reine embarquera mardi après-midi à bord d’un avion royal pour Londres, escorté par la princesse Anne.

Il sera accueilli à son arrivée par le roi Charles et d’autres membres de la famille royale. Il passera la nuit au palais de Buckingham.

Débutera alors le deuxième volet de présentation au public, londonien cette fois, qui devrait voir défiler des centaines de milliers de personnes pendant un peu moins de cinq jours 24 heures sur 24. Certains ont commencé à faire la queue dès lundi.

Les funérailles nationales de la reine auront lieu lundi en présence de quelque 500 dignitaires étrangers et de nombreuses têtes couronnées. Mais selon l’agence PA, la Russie, le Bélarus et la Birmanie n’ont pas été invités.

Avec AFP