Durant le mandat du président Jair Bolsonaro, le Brésil est de plus en plus isolé sur le plan diplomatique. Une partie de la communauté internationale exprime des réserves sur des sujets comme l’environnement ou des droits de l’homme.

L’image, cruelle, en disait long sur l’isolement du Brésil de Jair Bolsonaro: lors d’une réception au G20 de Rome l’an dernier, pendant que les grands de ce monde devisaient aimablement, le président, seul près du buffet, parlait à des serveurs.

Pays géant par la taille, et jusqu’ici respecté, le Brésil a vu son rang reculer dans le monde durant les quatre années du mandat du président d’extrême droite, disent, unanimes, des analystes interrogés sur son bilan diplomatique.

Ils invoquent son approche idéologique des relations internationales, ses entorses innombrables aux usages diplomatiques, ses insultes, ses faux-pas.

L’ancien président et actuel candidat Lula souhaite remettre le Brésil sur la scène internationale (AFP)

 

Dimanche, venu dans un Londres en deuil assister aux obsèques de la reine Elizabeth II, Bolsonaro en campagne pour sa réélection, haranguait ainsi une foule de sympathisants depuis le balcon de la résidence de l’ambassadeur du Brésil.

" Le pays vit un relatif isolement international et une grave crise de prestige ", pour Fernanda Magnotta, coordinatrice des relations internationales à la fondation FAAP, à Sao Paulo, " peu de gens ont envie de se faire photographier avec nos dirigeants ".

" Les décisions sont centralisées à la présidence ": Jair Bolsonaro, " ses fils, et ses conseillers les plus proches qui composent l’aile la plus idéologique du gouvernement ", explique-t-elle.

Ce président, qui a très peu voyagé, s’est aliéné une partie de la communauté internationale au sujet de l’environnement ou des droits de l’Homme et a heurté la Chine et le monde arabe.

Il s’est rapproché de quelques pays autoritaires eux-mêmes isolés : Hongrie, Pologne et surtout Russie, où sa visite une semaine avant l’invasion de l’Ukraine a été controversée.

La diplomatie du Brésil n’a plus été vue comme " un moyen de promotion économique mais comme un moyen de nouer des alliances d’extrême droite pour des gains de politique intérieure ", explique Rodrigo Goyena Soares, historien à l’Université de Sao Paulo (USP).

La Chine, son premier partenaire commercial, a été froissée par des déclarations à l’emporte-pièce de Brasilia. Et l’accord UE-Mercosur n’a pas été ratifié " en raison d’une animosité mutuelle ", dit Fernanda Magnotta.

De même, le Brésil " a perdu son rôle de leader dans l’intégration régionale en Amérique du Sud ". Il s’est notamment fâché avec le voisin argentin, dont le peuple, avait lancé Bolsonaro fin 2019, a " mal choisi " son nouveau président.

Une diplomatie peu délicate

Les incendies monstres en Amazonie en 2019 ont embrasé les relations du Brésil de Bolsonaro avec l’Europe, et, jusqu’à un point de non-retour, avec la France d’Emmanuel Macron, dont l’épouse Brigitte a été insultée sur son physique.

Encore le mois dernier, le ministre de l’Economie Paulo Guedes suggérait à l "‘insignifiante " France " d’aller se faire foutre " si elle ne traitait pas bien son pays.

" C’est du jamais vu en diplomatie brésilienne, et même en diplomatie tout court ", note M. Goyena Soares.

Violent incendie en Amazonie (AFP)

 

C’est sur les Etats-Unis du républicain Donald Trump que Jair Bolsonaro avait tout misé.

" L’alignement du Brésil avec les Etats-Unis de Trump a été sans précédent ", relève Felipe Loureiro, à l’Institut des relations internationales de l’Université de Sao Paulo, mais ce fut surtout " un alignement avec le trumpisme ".

La relation bilatérale est très froide depuis l’accession au pouvoir du démocrate Joe Biden, dont Bolsonaro a été l’un des derniers dirigeants à reconnaître la victoire, puisque Trump criait à la fraude électorale.

Ce fut " encore une grave entorse à la tradition diplomatique brésilienne de non-ingérence ", note M. Loureiro.

Des nominations incertaines

La nomination en 2019 d’Ernesto Araujo ministre des Affaires étrangères, un obscur diplomate passant pour un illuminé, avait fait s’étrangler la vénérable institution de l’Itamaraty.

Adorateur de Trump, antimondialisation, climatosceptique et ennemi de la Chine " maoïste ", Araujo avait fait faire un virage sur l’aile au Brésil.

A l’Itamaraty, Bolsonaro " a placé des capitaines à des postes de généraux ", dit M. Goyena Soares.

Aujourd’hui, son fils député " Eduardo a largement plus de poids " que le nouveau chef de la diplomatie, Carlos França, " très éteint ", estime l’analyste.

S’il est élu en octobre, l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) compte refaire du Brésil un acteur mondial de poids.

Souvent plus populaire à l’étranger qu’au Brésil, Lula devrait " proposer un dialogue à tous les pays, réactiver la coopération Sud-Sud avec l’Amérique Latine et l’Afrique " que Bolsonaro a ignorée, dit Mme Magnotta.

De même, il compte relancer l’intégration régionale et la participation de Brasilia aux organes multilatéraux et aux efforts sur le climat.

Le dirigeant de gauche devrait aussi " renégocier les termes de l’alliance avec les Etats-Unis ", estime M. Goyena Soares, définir une vraie politique à l’égard de la Chine et " opérer un rapprochement avec l’UE par le biais de l’environnement ".

Avec AFP