Les tentatives des pays ayant appartenu au "bloc de l’Est" se poursuivent pour former un axe qui ferait le poids face à la puissance et l’influence des États-Unis et des pays d’Europe de l’Ouest.

Le 22ᵉ sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui s’est tenu les 15 et 16 septembre à Samarcande (Ouzbékistan), s’inscrit dans le cadre de ces tentatives, que les présidents chinois, russe, et iranien appellent de leurs vœux. Les trois hommes d’États ont convenu de former l’OCS, une "entité internationale" comparable et concurrente à la communauté internationale, comme ils l’ont laissé entendre dans leurs déclarations lors du sommet.

Il convient de mentionner que l’OCS, qui comprend la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, a été créée en 2001 et sert d’outil de coopération politique, économique et sécuritaire censé concurrencer les organisations occidentales.

Cependant, cet outil n’a pas été en mesure de remplir sa mission première. En outre, le sommet s’est tenu dans un contexte de recrudescence des affrontements sanglants dans le sud du Caucase entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en plus des incidents armés qui ont éclaté aux frontières entre deux pays fondateurs de l’organisation: le Tadjikistan et le Kirghizistan. Ces confrontations ont eu un impact négatif sur le sommet avant même qu’il ne débute. De plus, elles ont révélé au grand jour l’absence d’harmonie et de solidarité entre certains de ses membres.

Dans un autre registre, le sommet est tombé à un moment où les relations sont tendues entre la Russie, la Chine et l’Iran d’une part, et les États-Unis d’autre part, en raison de la guerre en Ukraine, du soutien américain à Taïwan et des tensions dans les négociations sur le dossier nucléaire iranien à Vienne.

À noter que ces trois pays sont en proie à des difficultés économiques ardues, que leurs dirigeants tentent d’occulter en sollicitant la solidarité, bien qu’en apparence, de ceux qu’ils considèrent comme leurs alliés, contrairement aux pays occidentaux qui, eux, parlent de leurs crises en toute transparence, tout en s’engageant à y remédier en recourant à des solutions rationnelles. Pour ces derniers, déclencher des guerres, agresser les pays voisins et les peuples faibles, ou encore menacer d’utiliser ou de produire des armes nucléaires, n’est certainement pas la solution.

Ainsi, les slogans brandis lors de ce sommet, et la réalité des pays rassemblés sous sa bannière sont complètement contradictoires. Cette réalité aurait sûrement pu être différente si ces pays entretenaient de bonnes relations avec l’Occident en général, et avec les États-Unis en particulier, fût-ce aux dépens de leurs alliés.

En témoignent les pratiques et les événements successifs, notamment les efforts déployés par l’Iran pour montrer patte blanche afin de compenser la baisse d’approvisionnement du gaz russe, si toutefois les sanctions sur Téhéran étaient levées. L’Iran, désireux de poursuivre ses efforts pour conclure un accord avec les États-Unis sur le nucléaire, maintient un juste milieu et cherche à bénéficier par ailleurs de l’OCS et des "avantages économiques que peuvent lui procurer la région et les pays asiatiques", comme l’a déclaré le président iranien Ibrahim Raïssi.

Parallèlement, la Chine craint pour ses relations avec l’Occident, sachant que son intérêt principal est de maintenir sa puissance économique à travers le commerce, les exportations et les investissements, malgré son alliance avec la Russie, laquelle "comprend bien les préoccupations chinoises", comme l’a exprimé Vladimir Poutine à son homologue chinois.

Par conséquent, le sommet a été entaché de contradictions qui ont fait voler en éclats les slogans et les objectifs fixés par ses dirigeants, notamment en l’absence d’un fil conducteur clair qui les lierait et unifierait leurs positions. La seule certitude qui se dégage est leur volonté d’en tirer profit lorsque cela s’avère possible et nécessaire. À titre d’exemple, dès que la communauté internationale épingle l’un d’entre eux, un autre se précipite pour tirer parti de sa faiblesse. De plus, la rhétorique utilisée est à l’opposé de leurs politiques intérieure et étrangère.

Certes, leurs politiques sont fondées sur les intérêts, les ambitions de dirigeants et de régimes obnubilés par des velléités expansionnistes, ainsi que par la restauration des gloires des empires renversés par les révolutions qui les ont portés au pouvoir.

C’est exactement ce qui a mis dans l’embarras la Russie, qui tenait à clamer haut et fort que son objectif est la réussite du sommet consacré à "consolider la voie vers un monde multipolaire", tandis que le Premier ministre indien Narendra Modi a déclaré en s’adressant à Vladimir Poutine: "Ce n’est pas le moment de faire la guerre". À la suite de quoi M. Poutine s’est empressé de confirmer ses bonnes intentions et d’exprimer son désir de "faire la paix avec l’Ukraine, qui refuse tout dialogue".

Pour sa part, le président turc Recep Tayyip Erdogan n’est pas allé par quatre chemins et s’est montré quelque peu condescendant dans son discours sur la nécessité de mettre fin à la guerre en Ukraine "le plus tôt possible, et par les voies diplomatiques" ; une position explicitement dirigée contre la Russie.

Il reste que le discours de la Russie, qui caresse l’espoir d’utiliser l’Organisation de coopération de Shanghai comme son fer de lance face à la communauté internationale, et son affirmation que l’OCS joue désormais "un rôle majeur pour les nouveaux pôles d’influence", contraste avec la réalité. En effet, l’économie russe connaît un repli de plus de 40 % du fait de la guerre contre l’Ukraine, sans compter l’offensive militaire déclenchée par Kiev contre les forces de Moscou à la veille du sommet.

Partant, on peut dire que la nostalgie du "bloc de l’Est" envers l’Occident constitue le fil rouge qui unit les pays de l’OCS, et qui les aidera à atteindre leurs objectifs. Cette nostalgie exige l’adoption de politiques autres que celles mises en place par les pôles, qui utilisent l’organisation pour améliorer leurs situations économiques, internationales et militaires. D’ailleurs, ce n’est pas la consécration du "bloc de l’Est" qui sauvera ces pays, mais plutôt leur ouverture vers les États-Unis et les pays d’Europe occidentale. C’est le seul moyen qui leur permettra de surmonter leurs crises et relancer leurs économies, à condition qu’ils soient convaincus que l’usage de la force et du pouvoir à outrance, ainsi que l’agression d’autres pays sont des méthodes qui ne leur permettront pas de se placer à pied d’égalité avec la communauté internationale.