Certainement agacé, possiblement désespéré, Vladimir Poutine a récemment sous-entendu que la Russie pourrait recourir à l’arme atomique dans sa guerre contre l’Ukraine. En Occident, l’heure est à la désescalade. De même, les dirigeants occidentaux réfléchissent à la marche à suivre en cas d’attaque nucléaire russe.

Un missile " Iskander-M " à tête nucléaire " tactique ". De courte ou moyenne portée, il peut être utilisé dans des combats localisés, comme le théâtre ukrainien.

 

 

Son armée essuyant des revers en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a menacé de recourir à " tous les moyens " à sa disposition, relançant les spéculations sur les risques de conflit nucléaire, pour la première fois depuis 1945.

Le président américain Joe Biden, qui a mis sur pied une équipe de spécialistes civils et militaires pour évaluer les risques et les réponses à envisager, a mis la Russie en garde, rappelant qu’il est " impossible de gagner une guerre nucléaire ".

Plusieurs experts et plusieurs responsables consultés par l’AFP expliquent les scénarios possibles.

Le RS-24 Yars, est un missile stratégique, ou intercontinental, destiné à une guerre nucléaire à grande échelle.
Quel genre d’attaque pourrait lancer Poutine ?

Pour James Cameron, du Oslo Nuclear Project, il est " très peu probable que Poutine utilise l’arsenal russe d’armes nucléaires stratégiques, capables de frapper les Etats-Unis, au risque de déclencher une guerre nucléaire apocalyptique ".

Mais la Russie, première puissance nucléaire du monde avec un stock de près de 4.500 têtes nucléaires selon les estimations de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), dispose d’armes nucléaires dites " tactiques ", d’une puissance inférieure à la bombe d’Hiroshima.

Un missile " Iskander-M " à tête nucléaire " tactique ". De courte ou moyenne portée, il peut être utilisé dans des combats localisés, comme le théâtre ukrainien.

 

 

Conformément à la doctrine nucléaire russe d' "escalade-désescalade ", qui consisterait à faire usage en premier lieu d’une arme nucléaire de faible puissance pour reprendre l’avantage en cas de conflit conventionnel avec les Occidentaux, le président russe pourrait décider de faire exploser une de ces " petites " armes nucléaires dans l’espace aérien ukrainien ou en mer Noire.

Il pourrait aussi viser une zone peu peuplée de l’Ukraine ou une installation militaire ukrainienne, dans l’espoir de terroriser la population et inciter l’Ukraine à capituler, voire inciter les Occidentaux à convaincre l’Ukraine de capituler, explique cet expert dans les colonnes du Washington Post.

Qu’est-ce qui pourrait inciter Poutine à user de l’arme nucléaire?
Les missiles nucléaires tactiques peuvent également être emportés par des avions bombardiers, comme ce " Kinzhal " (dague) emporté par un chasseur-bombardier MiG-31.

 

 

Le maître du Kremlin a indiqué qu’il pourrait recourir à l’arme nucléaire si l’intégrité territoriale de la Russie était menacée. Il n’a pas précisé si cela comprenait la Crimée, que la Russie a annexée en 2014, ou les quatre territoires ukrainiens en partie contrôlés par l’armée russe depuis son invasion, où des référendums sont organisés en hâte en vue d’un rattachement à la Russie.

Pour Mark Cancian, un ancien spécialiste de stratégie nucléaire au sein de la Marine américaine, cette ambiguïté signifie que cela ne couvre pas le Donbass et la Crimée.

" Cela ne sert à rien de lancer une menace aussi vague, si les gens ne sont pas sûrs si vous les menacez vraiment ou pas ", explique M. Cancian, aujourd’hui expert au Center for Strategic and International Studies (CSIS).

Les missiles nucléaires tactiques peuvent également être emportés par des avions bombardiers, comme ce " Kh-22 " emporté par un bombardier Tupolev Tu-22.

 

 

Jusqu’ici, le gouvernement américain n’a observé aucun mouvement d’armes nucléaires qui puisse suggérer qu’une telle frappe est en préparation. " Nous n’avons rien vu susceptible de modifier notre posture ", a indiqué jeudi le porte-parole du Pentagone, le général Pat Ryder.

Quelle réponse les Occidentaux peuvent-ils apporter ?
Démonstration de tir d’un missile " Iskander-M " à tête nucléaire " tactique ".

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Le gouvernement américain s’efforce depuis le début du conflit en Ukraine d’éviter toute escalade: les forces de l’Otan ne combattent pas en Ukraine et les armements fournis par les alliés de Kiev aux forces ukrainiennes sont calibrés pour éviter qu’une bombe occidentale ne frappe une cible en territoire russe.

Dans le même esprit, l’administration américaine a envoyé plusieurs messages privés aux dirigeants russes ces derniers mois pour les dissuader de faire usage de l’arme nucléaire, selon le Washington Post.

Mais Washington doit faire preuve de fermeté même si Moscou choisit une frappe limitée en Ukraine, qui n’est pas membre de l’Otan.

Un autre missile stratégique de l’époque soviétique.

 

Ne pas répondre suffisamment fermement risquerait de diviser les alliés mais pourrait surtout, selon Matthew Kroenig, du Scowcroft Center for Strategy and Security, inciter d’autres pays, comme la Chine, à " penser que l’arme nucléaire peut les aider à atteindre leurs objectifs sans répercussions graves ".

M. Kroenig, ancien conseiller stratégique du Pentagone et de la CIA sous plusieurs administrations, a suggéré que les Etats-Unis répliquent par une frappe conventionnelle sur les forces ou la base militaire russe à l’origine de la frappe nucléaire, et une aide militaire renforcée à l’Ukraine, avec par exemple des systèmes d’artillerie à longue portée que Washington s’est jusqu’ici abstenu de fournir à Kiev.

Avec AFP