Des rumeurs sur un hypothétique coup d’État contre Xi Jinping alimentaient récemment les réseaux sociaux et les médias asiatiques. L’absence du président chinois de la scène médiatique depuis son retour du sommet de Samarcande en Ouzbékistan n’a fait qu’amplifier ces rumeurs, surtout qu’aucune réaction officielle n’a été émise par Pékin.

46 ans après la disparition de Mao Zedong, Xi Jinping veut s’imposer comme le " nouveau Timonier ".

 

En tout état de cause, le régime communiste opaque, contrôlant les médias, les réseaux sociaux et, dans une plus large mesure, la population, ne laissera fuiter que très peu d’information vers le monde extérieur.

Finalement, la véracité de ces rumeurs a été mise en doute par le Guardian et Newsweek, qui affirment qu’une telle éventualité est très improbable. Vendredi, le président chinois a assisté à la cérémonie de commémoration de la Journée des martyrs sur la place Tiananmen de Pékin, à la veille de la fête nationale chinoise, marquant le 73e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine.

La rumeur s’est donc avérée n’être qu’une rumeur, mais elle survient dans un contexte très particulier sur la scène politique chinoise.

Le président chinois Xi Jinping assiste à la cérémonie de commémoration de la Journée des martyrs sur la place Tiananmen de Pékin, à la veille de la fête nationale chinoise, marquant le 73e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine.

 

En effet, dans moins d’une vingtaine de jours se déroulera le 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC). À cette occasion, le président devrait, sans surprise, rester à la tête du Parti et accessoirement du pays et de l’armée, pour un troisième mandat. L’opacité du régime est d’autant plus forte que les règles ont changé.

En mars 2018, Xi Jinping a imposé un amendement de la Constitution qui limitait, auparavant, à deux le nombre de mandats présidentiels. Il a par ailleurs fixé l’âge de la retraite des responsables politiques à 68 ans. Ayant réussi à faire sauter ce verrou, rien n’empêche M. Jinping, 69 ans, de présider le pays pour plusieurs mandats supplémentaires. Ce manque d’alternance politique ne fait qu’accentuer l’autorité d’un président aux tendances autocratiques. Cela vient s’ajouter à une série de défis sur la scène politique et économique.

Les dirigeants chinois ont organisé vendredi un banquet au Grand Hall du Peuple de Pékin, à la veille du 73e anniversaire de la proclamation de la République populaire de Chine.

 

D’abord, la pandémie du Covid-19 n’a fait qu’affaiblir l’économie émergente et concurrentielle de la Chine. En effet, Pékin a adopté une politique radicale dite " Zéro-Covid " qui consiste à confiner des dizaines de grandes villes, dont Shanghai, dès le moindre signal d’une contamination. Un confinement suivi par des tests en masse de la population afin de maîtriser le virus. Cette politique extrêmement contestée a suscité la colère de millions d’habitants cloitrés chez eux et soumis à des restrictions très strictes.

Parallèlement, ces mesures laissent à désirer sur leur efficacité. D’après le journal chinois Sixth Tone, le dépistage de 90% de la population chinoise tous les deux jours aurait un coût annuel d’au moins 12 milliards de dollars. Ces dépenses fragilisent l’économie chinoise, qui devrait connaître une croissance de 4,3% selon la Banque mondiale en 2022, contre 8% en 2021.

Le régime chinois a adopté une politique radicale dite " Zéro-Covid " qui consiste à confiner de grandes villes dès le moindre signal d’une contamination.

 

Simultanément, une crise aiguë de l’immobilier s’est mise en place depuis 2020. Pendant plus de trente ans, le marché de l’immobilier n’a cessé de croître et les constructions de gratte-ciels modernes se sont multipliés. Cependant, l’adoption de la politique de " Zéro-Covid " en 2020 a mis un terme à ces années d’expansion. Dans ce contexte, le marché de l’immobilier s’est totalement effondré: 30 millions d’appartements seraient actuellement invendus, sans compter les milliers d’immeubles détruits par le gouvernement.

Si la Banque de Chine tente de relancer ce secteur en abaissant les taux directeurs et en subventionnant l’achat d’appartements neufs, la sortie de crise semble désormais très compliquée. Un mouvement prend une grande ampleur chez les propriétaires de logement en construction : suspendre le paiement du loyer en attendant la livraison de leur appartement. Cette crise d’ordre économique n’est cependant pas la seule derrière l’affaiblissement de la croissance, mais demeure tout de même d’une importance capitale.

 

D’ailleurs, dans son rapport annuel publié le 21 septembre dernier, la Chambre de commerce européenne considère qu’en Chine " l’idéologie l’emporte sur l’économie ". Les investisseurs étrangers (notamment Européens) sont inquiets, voire méfiants. En effet, le maintien de la politique " Zéro-Covid ", la fermeture des frontières, l’accent mis sur l’autosuffisance et le soutien apporté à la Russie face à l’Ukraine, sont tant de facteurs qui repoussent les investisseurs européens et confirment leur scepticisme.

Néanmoins, la grande majorité des entreprises européennes présentes ne souhaitent pas quitter le marché chinois qui demeure une très bonne base industrielle, mais rares sont celles qui veulent augmenter les investissements. Le but est désormais de réduire la dépendance des firmes face au risque chinois. Pour cause, les dix principaux investisseurs européens représentaient 88% des investissements du continent en Chine en 2019 face à 70% en 2021, selon l’étude publiée par le Rhodium Group. Ce bilan montre tout de même la fragilité apparente de l’économie chinoise, très dépendante des investissements étrangers, et grandement affectée par la politique et l’idéologie du parti unique.

Malgré les crises mondiales, la Chine reste un champion de l’exportation.

 

Malgré tout, l’atout principal de la Chine est sa compétitivité face à la superpuissance des États-Unis. La concurrence sino-américaine repose sur un pilier économique et financier. À ce niveau, la Chine présente des traits quelque peu inédits: malgré une gouvernance politique communiste, elle a su adopter une économie de marché prospère et concurrentielle mondialement.

Depuis notamment la crise mondiale de 2008, qui a emmené la Chine à recentrer son économie sur la demande intérieure tout en satisfaisant la demande étrangère, l’économie chinoise est devenue extrêmement influente et concurrence directement celle des États-Unis. Pour cause, et avec les 9% de croissance annuelle jusqu’en 2021 et 4,3% en 2022 (contre 2,3% attendue pour les États-Unis cette année), certains observateurs confirment que la Chine détrônera en 2050, les États-Unis pour devenir la première puissance économique mondiale.

Xi Jinping et Joe Biden lors d’une visioconférence.

 

C’est un danger majeur pour les Américains qui maintiennent ce privilège depuis près d’un siècle. Si l’économie chinoise connaît des faiblesses, que ce soit dans l’immobilier ou à cause de la politique du " Zéro-Covid ", elle demeure prospère, surtout dans un contexte de crise mondiale.

Au niveau de la politique étrangère, la Chine est en rivalité continue avec l’Occident. En effet, aucun dossier n’a davantage envenimé les relations sino-américaines que le statut de Taïwan. Après avoir rappelé à plusieurs reprises son soutien " inébranlable " aux responsables taïwanais, Joe Biden est accusé par certains responsables chinois de vouloir occidentaliser et diviser la Chine.

La guerre en Ukraine est scrutée de très près par Xi Jinping, car elle offre des similitudes avec les tensions autour de Taïwan. Avec l’enlisement du conflit ukrainien et les contre-offensives ukrainiennes qui prennent de l’ampleur, M. Jinping a découvert la difficulté de la tâche qui l’attend, surtout avec un camp occidental plus unifié que jamais, de quoi lui donner matière à penser.

Pékin a rectifié le tir récemment en critiquant à demi-mot la stratégie de Vladimir Poutine en Ukraine, en critiquant les annexions russes et en réclamant une fin rapide de la guerre.

 

En conclusion, la Chine aujourd’hui dirigée d’une main de fer par le président Xi Jinping, rencontre une multitude de défis. Si l’économie demeure prospère et concurrente mondialement, elle est menacée par des failles qui fragilisent sa croissance.

En parallèle, la politique étrangère chinoise redéfinit la stratégie du PCC qui amorce un virage vers une rivalité directe avec l’Occident. Enfin, le contexte politique devrait reconduire M. Jinping, qui a beaucoup à perdre cette fois, au pouvoir pour un troisième mandat consécutif en octobre prochain. Certains observateurs comparent déjà l’actuel président à Mao Zedong, n’hésitant pas à le surnommer " le nouveau Timonier ".