Avec un premier tour gagné de peu face à Jair Bolsonaro, Lula entame une nouvelle période de campagne de quatre semaines. Au Brésil, la course s’annonce acharnée et chargée d’incertitudes.

La courte victoire de Lula au premier tour de la présidentielle contre Jair Bolsonaro, qui a obtenu un résultat meilleur que prévu, ouvre lundi une nouvelle période de campagne de quatre semaines qui s’annonce acharnée et chargée d’incertitudes au Brésil.

 

Six millions de voix. C’est ce qui sépare les résultats de Luiz Inacio Lula da Silva, icône de la gauche brésilienne (48% des voix), de ceux du président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro (43%), selon des résultats officiels quasi définitifs.

Une surprise, les sondages promettant à Lula une avance de 14 points dans les intentions de vote (50% contre 36%) et n’excluaient pas une victoire au 1er tour.

"Je peux vous dire que nous allons gagner cette élection. C’est juste une prolongation", a déclaré devant ses partisans le vieux lion de la politique brésilienne, tard dimanche soir, tout de même visiblement affecté par cette déception électorale.

Lula a promis "plus de déplacements et d’autres meetings" à la rencontre des Brésiliens pour décrocher un 3e mandat le 30 octobre. "On va devoir convaincre la société brésilienne", a-t-il expliqué.

 

"Demain, je commence à faire campagne. Si j’avais gagné au premier tour, j’aurais pris trois jours de congé et je serais parti en lune de miel", a déclaré Lula, qui a épousé sa 3e femme, "Janja" en mai.

Les élections générales organisées au Brésil dimanche ont aussi été un succès pour les Bolsonaristes, dont beaucoup ont été élus, députés ou gouverneurs, notamment d’anciens ministres de Jair Bolsonaro, au Sénat notamment.

"Nous allons voir un 2e tour radicalement polarisé", prévoit Bruna Santos, du Brazil institute, alors que le Brésil est déjà très fracturé après quatre ans de mandat Bolsonaro.

Pour Paulo Calmon, politologue de l’Université de Brasilia, "la course va être encore plus ouverte et promet une dispute acharnée". Pour lui, "Bolsonaro maintient toutes ses chances de réélection".

Changement de stratégie

Lula devra aussi changer de stratégie après avoir commis l’erreur, avant le 1er tour, de faire une campagne "centrée seulement sur les réalisations de ces deux mandats antérieurs" (2003-2010) et il devra "présenter des projets pour l’avenir".

"La partie pour le second tour va être dure", renchérit Marco Antonio Teixeira, de la fondation Getulio Vargas (FGV): "il n’y a que cinq points d’écart" entre Lula et Bolsonaro.

La performance de Bolsonaro devrait "le regonfler", juge de son côté Michael Shifter, analyste de l’Inter-American Dialogue.

Le revers relatif de Lula lui accorde "un mois supplémentaire pour provoquer des troubles dans les rues", estime pour sa part Guilherme Casaroes, de la Fondation Getulio Vargas.

Il considère, lui aussi, que "les chances de Lula d’être élu sont nettement plus faibles".

En 2018, 70% des évangéliques déclaraient soutenir Jair Bolsonaro (AFP)

 

"On ne peut pas exclure que Bolsonaro galvanise sa base et l’encourage à pourchasser les supporters de Lula" dit de son côté M. Shifter. Entre les deux camps "il y a beaucoup de rancœur, de haine et il ne serait pas surprenant que cela conduise à des troubles", alors que la campagne a déjà connu des violences.

À ce sujet, des supporters de Lula ont souvent indiqué ne pas avoir porté la couleur rouge du Parti des Travailleurs (PT) par crainte d’agressions de la part de bolsonaristes.

Détestation des sondages

Arrivées en 3e et 4e position de la présidentielle, Simone Tebet (MDB du centre droit) qui a obtenu 4% et Ciro Gomes (PDT, centre gauche) 3% vont être très courtisés.

 

"Les électeurs de Simone Tebet et Ciro Gomes, environ huit millions de personnes, vont décider qui sera le prochain président", estime Bruna Santos.

Enfin, le premier tour aura conforté Jair Bolsonaro dans sa détestation des sondages, qui le plaçaient loin derrière Lula depuis des semaines.

"On a fait mentir les sondages!" a exulté dimanche soir le président populiste, qui dit préférer prendre le pouls des Brésiliens dans la rue, lors de ses grands meetings ou lors de bains de foule.

Pour Guilherme Casaroes, de la FGV, "les instituts de sondage, qui ont donné des projections inconsistantes à la fois pour l’élection présidentielle et celles des Etats vont devoir se réinventer".

Avec AFP