Le Centre des libertés civiles (CCL), une ONG documentant les crimes de guerre imputés aux troupes russes, est devenu le premier Nobel de la paix ukrainien, récompensé aux côtés de représentants des sociétés civiles russe et bélarusse.

La décision du comité Nobel norvégien a provoqué le choc et la joie parmi les membres du CCL, organisation réputée, mais peu connue du grand public.

" Lorsque nous avons appris la nouvelle, nous avons été stupéfaits ", a déclaré aux médias la porte-parole du Centre des libertés civiques, Anna Trouchova. " Nous considérons ce prix comme une reconnaissance de notre activité ".

Le Centre des libertés civiles, dirigé par la défenseure des droits humains Olexandra Matviïtchouk, s’est fait connaître après l’annexion en 2014 par la Russie de la péninsule de Crimée

 

 

Fondée en 2007, l’organisation est dirigée par la défenseure des droits humains Olexandra Matviïtchouk, qui a appris la nouvelle alors qu’elle se trouvait à l’étranger en route vers l’Ukraine, et à la veille de son 38e anniversaire.

" C’est avant tout la récompense pour Olexandra ", qui " rassemble autour d’elle des gens incroyables et fait un travail immense en matière des droits de l’homme ", a déclaré à l’AFP Alissa Malytska, membre du conseil d’administration de l’ONG.

Se disant " ravie " de recevoir la prestigieuse récompense, Mme Matviïtchouk a aussitôt appelé sur Facebook à juger devant un tribunal international le président russe Vladimir Poutine, son homologue bélarusse Alexandre Loukachenko " et d’autres criminels de guerre ".

Le Centre des libertés civiles s’est fait connaître après l’annexion en 2014 par la Russie de la péninsule de Crimée (sud), suivie d’un conflit armé avec des séparatistes soutenus par Moscou dans l’est de l’Ukraine.

Le CCL a fait de la création d’un Tribunal international pour la condamnation de Poutine un de ses objectifs majeurs.

 

L’ONG a lancé une campagne internationale réclamant la libération de prisonniers ukrainiens victimes de détentions arbitraires par les Russes et les séparatistes.

Le plus connu d’entre eux était le cinéaste Oleg Sentsov, réalisateur entre autres du film Rhino, présenté au festival de Venise (Italie) en 2021. Arrêté en Crimée après avoir protesté contre son annexion, M. Senstov avait passé cinq ans dans les prisons russes, avant d’être finalement libéré en 2019, lors d’un échange de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie.

" C’est elle (Olexandra Matviïtchouk,) qui a lancé l’idée de la campagne internationale #SaveSentsov ", a raconté à l’AFP Olexandre Starodoubtsev, chef adjoint de l’agence nationale anti-corruption, qui a participé avec la jeune femme à un programme pour des jeunes leaders ukrainiens à l’université américaine de Stanford en 2017-2018.

" Lessia (diminutif d’Olexandra) est très puissante et confiante en ce qu’elle fait ", a-t-il fait valoir.

" Toute sa vie est soumise à sa mission. Quand on étudiait aux Etats-Unis, elle s’occupait en parallèle, la nuit, " de ces projets des droits humains, a-t-il ajouté.

Le mot d’ordre affiché sur la page Facebook de Mme Matviïtchouk semble appuyer ses propos: " Pessimisme c’est un luxe qu’on ne peut pas se permettre. Quand tes forces te quittent, ton caractère émerge ".

Le massacre de Boutcha, dans les environs de Kiev, a eu lieu aux débuts de l’invasion de l’Ukraine, juste avec le retrait des troupes russes, vaincues par la résistance ukrainienne dans la capitale.

 

Après le début de l’invasion russe en février, le CCL a commencé la documentation de crimes de guerre imputés aux troupes russes par Kiev.

S’appuyant sur l’aide de bénévoles, l’ONG a notamment envoyé des groupes mobiles sur les lieux de crimes, tout en œuvrant pour faciliter le retour en Ukraine de " dizaines de milliers " d’Ukrainiens contraints de quitter la zone de guerre vers la Russie.

" Nous avons déjà enregistré plus de 20.000 crimes ", a indiqué Mme Trouchova.

Le premier Nobel de la paix du pays n’a pas fait que des heureux en Ukraine, certains jugeant mal placée l’idée de partager le prix entre militants russes et ukrainiens au moment où l’Ukraine est envahie par l’armée de Moscou.

" Très mauvaise idée (…) mais très typique pour l’Occident ", a commenté sur Facebook Olga Roudenko, rédactrice en chef du média anglophone Kyiv Independent. " Il nous faut encore beaucoup travailler pour qu’on nous voie comme un phénomène séparé et non juste une partie de la région avec la Russie et le Bélarus ".

Avec AFP