Un an après l’exécution en Iran du dissident Rouhollah Zam, apparemment tombé dans un piège pour le faire sortir de France, les opposants à la République islamique en exil craignent de n’être à l’abri nulle part.

Créateur d’une chaîne Telegram populaire honnie par les autorités pour son rôle dans les manifestations contre le régime ces dernières années, il a été exécuté le 12 décembre 2020, quelques semaines après avoir quitté la France, où il bénéficiait du statut de réfugié et d’une protection policière, pour un intrigant voyage en Irak.

Ses proches affirment qu’il a été enlevé dans ce pays sous influence de Téhéran par des forces iraniennes, puis contraint à des aveux télévisés, avant d’être pendu.

Les amis de Rouhollah Zam s’interrogent encore sur les raisons qui l’ont conduit à prendre un tel risque et attendent des éclaircissements de la France.

Parmi eux, Sepideh Pooraghaiee, journaliste iranienne exilée en France, estime que " beaucoup de choses ne sont pas claires. Nous ne savons rien ".

" Nous réclamons justice pour un journaliste assassiné, et que sa mémoire soit préservée ", déclare-t-elle à l’AFP.

L’association " Unis pour Zam " considère que le gouvernement français " doit lever toute ambiguïté " sur son enlèvement en Irak.

Déçue, comme de nombreux activistes, que les droits de l’Homme ne figurent pas au programme des discussions internationales sur le programme nucléaire iranien, elle appelle la France à " poser comme condition aux négociations avec la République islamique l’arrêt des meurtres et de la répression brutale des opposants politiques ".

Les détracteurs de la République islamique l’accusent d’avoir fait tuer ou enlever des centaines d’opposants en plus de quarante ans d’existence, y compris hors de son territoire.

L’un des cas les plus connus est l’assassinat du dernier Premier ministre du chah d’Iran, Chapour Bakhtiar, et de son secrétaire, en région parisienne en 1991. Un Iranien condamné à perpétuité en France dans ce dossier, Ali Vakili Rad, a été libéré en 2010 et a reçu un accueil triomphal en Iran.

Le meurtre de quatre militants kurdes iraniens en septembre 1992 dans un restaurant de Berlin, le Mykonos, avait également empoisonné pendant des années les relations euro-iraniennes.

" L’enlèvement et l’exécution de Rouhollah Zam s’inscrivent dans une lignée de plusieurs décennies d’intimidations, d’exécutions sans jugement et d’enlèvements de dissidents iraniens par des agents de la République islamique ", affirme Roya Boroumand, directrice exécutive du Centre Abdorrahman Boroumand, une ONG basée aux Etats-Unis.

Le centre a recensé plus de 540 Iraniens dont l’assassinat ou le rapt peut être imputé au régime, avec un pic dans les années 1990, lors desquelles plus de 397 personnes furent tuées, dont 329 au Kurdistan irakien.

Si Roya Boroumand note un " ralentissement " à la suite des retombées du Mykonos, un nombre grandissant de cas récents " montrent que le risque s’aggrave dangereusement " pour les dissidents en exil.

Selon elle, ce phénomène s’explique par l’impact croissant en Iran même de médias sociaux basés à l’étranger, comme la chaîne Amadnews de Rouhollah Zam sur Telegram, en particulier lors des manifestations de 2019.

Son enlèvement n’est pas un cas isolé. En juillet 2020, le Germano-Iranien Jamshid Sharmahd a disparu à Dubaï alors qu’il se rendait en Inde. Sa famille affirme qu’il a été enlevé, emmené en Iran en passant par Oman, puis poursuivi pour un attentat commis en 2008, des accusations rejetées par ses proches.

" Nous ne savons pas où il est exactement. Nous ne savons pas s’il est détenu dans des conditions humaines ", a indiqué la famille dans un communiqué, se disant " choquée " de l’avoir vu exhibé à la télévision iranienne, le visage tuméfié et les yeux bandés.

En juillet, la justice américaine a inculpé par contumace quatre Iraniens pour un projet d’enlèvement à New York de l’opposante Masih Alinejad, qui a mené une campagne virulente contre l’obligation pour les femmes de porter le voile en Iran.

Selon l’accusation, ils prévoyaient de la conduire en hors-bord vers le Venezuela, pays allié de l’Iran.

" Même ici aux États-Unis je ne peux pas avoir une vie normale ", déplore Masih Alinejad, qui habite depuis dans une résidence sécurisée. " Je ne suis pas une criminelle. Mon crime est seulement de donner une voix aux manifestants iraniens qui n’en ont pas ".

AFP

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