Lors de son dernier voyage dans l’espace en 2021, l’astronaute français Thomas Pesquet a eu la chance de prendre des milliers de clichés de notre planète, témoignant à la fois de sa beauté et de son altération progressive par le changement climatique. Près de 300 photos ont été rassemblées dans le livre " La Terre entre nos mains ", à paraître mercredi 2 novembre.

 

Depuis l’espace, la Terre lui est apparue comme un fragile " îlot de vie ": durant sa deuxième mission en orbite, l’astronaute français Thomas Pesquet a immortalisé de nouvelles vues spectaculaires d’une planète dont l’état de dégradation lui a sauté aux yeux.

L’astronaute français, redescendu il y a un an de la Station spatiale internationale (ISS), transmet son témoignage unique avec une sélection de ses plus belles prises: 300 clichés rassemblés dans " La Terre entre nos mains ", beau-livre à paraître mercredi aux éditions Flammarion, et dont les droits d’auteur seront reversés aux Restos du cœur.

Le virus de la photo

Il écrit en préambule avoir " attrapé le virus de la photo " au cours de sa première mission dans l’espace (2016-2017) et raconte comment lors de sa deuxième mission, (" Alpha ", d’avril à novembre 2021) il n’a cessé de mitrailler la planète. En transmettant cette fois sa passion à ses compagnons de route de l’ISS.

" Au départ, j’étais un peu photographe du dimanche, puis j’y ai vraiment pris goût ", confie Thomas Pesquet à l’AFP. " Quand on arrive dans la Station, on a le réflexe smartphone: on voit un truc super, on l’immortalise… mais rapidement, on est confronté à des limites si on veut, par exemple, faire des photos la nuit, prendre des cibles précises avec de grands objectifs, etc. C’est difficile, car tout est manuel ".

À bord, une douzaine d’appareils photo sont à disposition des astronautes, dont certains installés en permanence dans la Cupola, célèbre fenêtre d’observation panoramique de l’ISS, ou dans le laboratoire américain, hublot regardant à la verticale vers la Terre.

Thomas Pesquet
Lors de son voyage spatial en 2021, Thomas Pesquet a eu l’occasion de prendre des milliers de photos de la Terre (AFP)

 

Il en a pris environ 245 000, pendant ses quelques heures de loisirs quotidiennes. " Beaucoup sont ratées, mais en six mois, il y a une vraie courbe de progression ". Mers, fleuves, îles, déserts, montagnes, couchers et levers de Soleil: face à la beauté de la Terre, " l’émerveillement " de l’astronaute était toujours là.

Un émerveillement quotidien

" La planète est tellement vaste et diverse qu’on n’a pas l’impression d’avoir tout vu. Même après 400 jours en orbite, il y a encore des choses qui me surprennent, des endroits que je n’ai pas vus ". À 28 000 km/heure, le défilement de la Station fait " qu’on n’est jamais au-dessus des mêmes zones aux mêmes heures du jour ".

La grande nouveauté ? Les aurores boréales, dont certaines bleutées, à sa grande surprise: des instants furtifs, mais qu’il a réussi cette fois à capturer grâce à son coéquipier américain Shane Kimbrough: telle une vigie, il les voyait arriver depuis sa " chambre à coucher, ça nous laissait le temps de configurer nos appareils ".

De cet " imagier amoureux de la Terre ", Thomas Pesquet partage aussi des clichés " qu’on déteste voir ", pour alerter sur sa fragilité: le " sinistre spectacle " des ouragans, tornades et incendies qui ont secoué la planète durant ses 200 jours en orbite. Auquel il a assisté, " impuissant ".

" Ce qui m’a le plus frappé, ce sont les feux. On voyait les flammes, les fumées très nettement, d’une ampleur impressionnante ", donnant une impression de " fin du monde ".

De plus en plus de phénomènes violents

" Comme dans les films ", il a vu des régions entières englouties: le sud de l’Europe, la Colombie britannique, la plaine de Californie " mangée petit à petit par une chape de fumée "…

" La différence en quatre ans, je l’ai vue. Ma première mission s’est passée l’hiver, ma deuxième en été, donc c’est normal qu’il y ait plus de feux, mais au global, j’ai assisté à davantage de phénomènes violents ", se désole-t-il.

Ce renforcement palpable des phénomènes climatiques extrêmes, " dont on sait qu’ils sont en lien avec le dérèglement du climat, a achevé de me convaincre que nous n’en avons pas assez fait pour protéger notre planète ", écrit l’astronaute.

Sans la science – experts du climat, mesures des effets du dérèglement grâce aux satellites – " nous serions perdus face à l’ampleur des enjeux ", plaide-t-il.

" Il n’est pas trop tard, mais plus on attend… Or malheureusement, on a l’impression que tout le monde se regarde en chien de faïence: tous les ans, on dit +c’est maintenant qu’il faut agir+ et c’est pareil l’année d’après, on ne fait que de petites actions sans impact général fort " sur l’environnement, déplore-t-il.

Avec AFP