La guerre en Ukraine a terni la popularité de l’ex-chancelière allemande, jugée trop accommodante avec la Russie de Poutine durant son mandat.

Le 8 décembre 2021, Angela Merkel quittait le pouvoir, sa popularité au zénith. Un an plus tard, l’étoile de l’ex-chancelière allemande, jugée trop accommodante avec la Russie de Poutine, a pâli.

" Il y a votre politique russe, (le gazoduc germano-russe) Nord Stream II, les routes défoncées, la politique climatique. Quel genre d’Allemagne nous avez-vous laissé ? ", fustige Bild, le quotidien le plus lu d’Allemagne.

Les mains jointes au bas du torse, les pouces accolés vers le haut, les autres doigts offrant une parfaite symétrie: au départ simple posture, le  " losange  " d’Angela Merkel est devenu une figure iconique sujette à interprétations.

 

Désormais, près de trois Allemands sur quatre (71%) ne souhaitent pas le retour de Mme Merkel aux manettes. Et au jeu de la comparaison avec son successeur social-démocrate, Olaf Scholz, elle ne se démarque pas : 43% estiment qu’elle ferait mieux, contre 41% pour l’actuel chancelier, selon un sondage Civey.

Plus la force de s’imposer

Pour l’ex-dirigeante de 68 ans, il y a un avant et après 24 février, date de l’invasion russe de l’Ukraine. L’offensive des troupes de Vladimir Poutine a en effet fait voler en éclat le bilan de l’ex-dirigeante conservatrice, jamais dupe de la vraie nature du régime russe mais convaincue qu’un " changement par le commerce " était possible.

Pour autant, Angela Merkel n’est pas la seule responsable de cette politique, en partie engagée après les chocs pétroliers des années 70 par ses prédécesseurs.

Mais l’ex-chancelière porte néanmoins la responsabilité de " l’approbation et du soutien " aux gazoducs Nord Stream, explique à l’AFP la politologue Ursula Münch.

" Nous ne pouvons plus admettre aujourd’hui que Merkel et le gouvernement de l’époque n’aient pas compris que ces gazoducs se feraient au détriment " de Kiev, poursuit-elle.

En Ukraine justement, l’ex-chancelière est devenue une des incarnations de la complaisance occidentale à l’égard de Moscou pendant des années.

 

Des étiquettes de bouteilles de bière sur lesquelles Mme Merkel est comparée à Joachim von Ribbentrop, le chef de la diplomatie nazie signataire du Pacte germano-soviétique en 1939, ont ainsi essaimé.

Face aux critiques, Mme Merkel a dû se résoudre à sortir du silence pour se justifier dans plusieurs entretiens accordés ces dernières semaines à des journalistes de confiance.

Entre deux descriptions de sa nouvelle vie, occupée à regarder des séries, en particulier The Crown, et à écrire ses mémoires, négociées à prix d’or, Mme Merkel explique ainsi dans le Spiegel qu’elle n’avait plus le poids politique nécessaire en 2021, année de son retrait annoncé de longue date, pour freiner les préparatifs de guerre.

" Je n’avais plus la force de m’imposer " par exemple pour organiser l’an dernier une rencontre entre le président russe et des dirigeants de l’UE, confie Mme Merkel.

Lors de sa dernière entrevue avec M. Poutine, à Moscou en août 2021, elle a une impression " très claire " dans son face-à-face, celle d’être " finie " en termes " de politique, de pouvoir " aux yeux du chef de l’Etat russe. " Et pour Poutine, seul le pouvoir compte ", dit-elle.

Mme Merkel estime aussi que les sanctions imposées à Moscou après 2014 ont permis à Kiev de " se préparer " à une agression éventuelle.

Merkel en compagnie de son époux, Joachim Sauer, professeur d’université de son état, enseignant la chimie physique et théorique à l’université de Humboldt à Berlin. Sauer est originaire, comme la chancelière, de l’ex-RDA. (AFP)

 

Mais plus que ses accommodements avec Moscou, c’est l’absence de regrets exprimés par Mme Merkel qui nourrit les critiques.

Son ancien ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a ainsi fustigé mi-novembre le refus de tout mea culpa de Mme Merkel au sujet des " erreurs " commises par l’Allemagne.

Première femme chancelière

" Nous ne voulions pas voir " la vraie nature du régime russe, regrette ce rival historique de l’ex-dirigeante, qui dit ne pas la placer dans sa liste de " grands chanceliers " au côté de Konrad Adenauer, Willy Brandt et Helmut Kohl.

" Il est vrai qu’on ne parle plus guère de l’ancienne chancelière ", confirme Mme Münch, rendant en partie responsables " la rapidité des médias et notre attention limitée ".

La longue ère Merkel s’est soldée par " beaucoup d’auto-satisfaction, peu de débats (…) trop d’annonces politiques et trop peu d’attention portée à leur mise en œuvre effective ", relève cependant cette professeure de sciences politiques à Munich.

Mme Merkel restera toutefois, selon Mme Münch, malgré " un retard dans les réformes ", dans l’histoire allemande en tant que première femme et ex-citoyenne de RDA à avoir dirigé le gouvernement.

Avec AFP