Selon l’armée ukrainienne, la Russie préparerait une offensive majeure sur la capitale ukrainienne Kiev. Dans un article de The Economist, le chef d’état-major ukrainien Valery Zaluzhny a affirmé qu’elle pourrait attaquer " en février, au mieux en mars et au pire fin janvier ".

 

Ce sont les Ukrainiens qui l’affirment : Moscou prépare une offensive majeure et retentera, tôt ou tard, de prendre Kiev. Mais après dix mois d’une guerre qui ne cesse de s’enliser, la perspective est difficile à confirmer.

Dans un article de l’hebdomadaire britannique The Economist paru jeudi, le chef d’état-major ukrainien Valery Zaluzhny a estimé qu’une attaque majeure pourrait intervenir " en février, au mieux en mars et au pire fin janvier ".

Les Russes pourraient selon lui viser le sud, le Donbass, ou la capitale elle-même. " Je n’ai aucun doute qu’ils retenteront leur chance à Kiev ", a assuré l’officier.

Les raisons d’en douter sont toutefois nombreuses.

L’échec de mars

L’hypothèse se heurte d’abord aux leçons du passé. En attaquant l’Ukraine le 24 février, le Kremlin espérait voir le pouvoir ukrainien se déliter, son armée s’effondrer et le peuple l’accueillir en sauveur.

Une attaque russe aux drones et missiles avait laissé le 31 octobre près de 80% des habitants de la capitale sans eau et 350 000 foyers sans électricité, avant qu’une partie des dégâts ne soit réparée (AFP)

 

 

L’inverse s’est produit. Les forces ukrainiennes ont résisté, le peuple s’est soulevé et les Russes ont témoigné de faiblesses que nul n’imaginait : logistique défaillante, unités sans initiative, coordination militaire insuffisante, renseignement inefficace. Entre autres.

Une attaque sur Kiev début 2023 ? " En théorie, c’est possible ", indique à l’AFP l’analyste militaire russe indépendant Alexandre Khramtchikhine. " Clairement, ça devra être mieux réfléchi, sans cette idée insensée que tout se passera (sans combattre) comme cela avait été le cas pour la Crimée en 2014 ".

Le piège des villes

Ces derniers mois, le rouleau-compresseur russe s’est avéré efficace en associant bombardements intenses et progression lente des forces au sol. Le tout plutôt hors des agglomérations.

" Prendre une ville sans la détruire est difficile, sauf en cas de décision de reddition, comme Paris en 1940 ", note Alexandre Khramtchikhine.

" Toutes celles qui ont été prises en Ukraine par un camp l’ont été par surprise (…) ou après un encerclement ou une menace d’encerclement ", confirme Michel Goya, ex-colonel de l’armée française et historien de la guerre. " Aucune grande ville n’a pu être saisie alors qu’elle était reliée à son camp et que le défenseur pouvait toujours ravitailler et relever ses forces ".

Le siège de Marioupol (sud-est), entre février et fin mai, a réduit la ville en poussière. Un assaut sur Kiev serait plus long et plus difficile encore, avec un enjeu stratégique fondamental.

Le moral russe est très bas

Certains analystes occidentaux soulignent que l’armée russe peut gagner en efficacité avec la nomination début octobre du général Sergueï Sourovikine comme commandant des opérations russes en Ukraine.

Les sirènes d’alerte retentissent dans Kiev sans plus inquiéter les habitants (AFP)

 

Il " travaille à l’unification de l’armée " et " prépare presque certainement des plans de bataille ciblés, à la différence des assauts passés qui avaient dispersé les troupes russes ", écrit l’ex-général australien Mick Ryan sur le site Foreign Policy.

Moscou a compensé ses lourdes pertes par une vaste mobilisation, mais pour remplacer des unités d’élite décimées par des conscrits formés à la hâte. Le moral russe est très bas, insiste l’Australien. Mais le général Sourovikine " va commencer à préparer ses troupes pour de nouvelles opérations ".

Les options de Moscou

La stratégie de Vladimir Poutine n’a cessé de surprendre tout le monde et rien n’est à exclure.

Mais Washington restait circonspect sur la possibilité d’une vaste opération russe pendant un hiver qui met les organismes et les machines à rude épreuve, mais qui simultanément gèle les sols et permet aux chars de progresser.

“Nous ne voyons aucune indication d’un mouvement imminent sur Kiev ", a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby.

" Je ne veux pas spéculer sur de potentielles opérations futures ", relevait pour sa part le porte-parole du Pentagone, le général Pat Ryder, notant pour autant que " le champ de bataille est dynamique ".

Peu avant les déclarations des Ukrainiens, l’expert américain Michael Kofman jugeait " plutôt improbable " que les Russes puissent " retrouver une potentielle offensive après février ".

Selon lui, " ils utilisent bien plus de munitions qu’ils n’en produisent ". Mais peuvent en revanche " consolider les lignes défensives ".

Le jeu de Kiev

Pourquoi Kiev décide-t-il alors de décrire une capitale en danger, au risque d’accroître l’anxiété de ses habitants ?

Des Ukrainiens constatent les dégâts des bombardements russes sur leur immeuble (AFP)

 

 

En dépit d’une aide occidentale militaire et financière massive, le président Volodymyr Zelensky n’a d’autres options que de demander plus. Moscou parie sur la durée et un affaiblissement de l’aide, notamment face à la fatigue des opinions publiques devant l’inflation et la crise énergétique.

" Les Ukrainiens hurlent – et ont raison de le faire – qu’il faut continuer à les aider ", analyse l’amiral à la retraite Pascal Ausseur, directeur de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES).

Kiev rappelle qu’il peut " encore tout perdre ", ajoute-t-il. Et l’expert de suggérer que l’Ukraine pourrait aussi faire diversion en préparant une attaque, dans le sud du pays notamment.

" La phase offensive de l’hiver commence maintenant. Qui a intérêt à se lancer dans une aventure aujourd’hui ? Ce ne sont pas les Russes ".

Avec AFP