Pour la première fois depuis son élection en 2013, le pape François va vivre son pontificat sans un autre pape à ses côtés. La mort de Benoît XVI pourrait en effet convaincre le souverain pontife de renoncer lui-même à sa charge pour des raisons de santé.

 

Avec la mort de Benoît XVI, le pape François entame une nouvelle phase de son pontificat, sans l’ombre de son prédécesseur, une période qui pourrait voir les spéculations sur sa renonciation et l’opposition à ses réformes redoubler d’intensité.

Pour la première fois depuis son élection en 2013, Jorge Bergoglio est aux commandes de l’Église catholique et de ses 1,3 milliard de fidèles sans un autre homme en blanc à ses côtés.

Car jusqu’à présent, la présence au Vatican du théologien allemand – qui avait surpris le monde entier en renonçant à son ministère – avait semé le trouble, alimentant la saga des " deux papes " aux visions divergentes.

La mort de Benoît XVI pourrait pousser le pape François à démissionner (AFP)

 

" C’est la fin d’une ambiguïté, d’une époque où Benoît XVI pouvait être instrumentalisé par les adversaires de François pour servir d’étendard " à leur cause, résume à l’AFP le vaticaniste italien Marco Politi.

Malgré les relations cordiales entre les deux hommes, " la présence de Ratzinger, avec sa vision doctrinale conservatrice de l’Église et sa stature intellectuelle, a en effet été source de tensions dans le pontificat de François, qui a eu une ligne pastorale très ouverte ", ajoute-t-il.

Pour nombre d’observateurs, le décès de Benoît XVI lève surtout un obstacle majeur à l’idée de voir François renoncer à son tour, un sujet qui pourrait alimenter les spéculations dans les prochains mois.

Agenda chargé

" Tant que Benoît était en vie, il était impensable d’avoir trois papes ; désormais la démission est une possibilité réelle ", même si " ses conditions de santé ne l’empêchent pas pour l’instant de poursuivre sa mission ", affirme M. Politi.

À 86 ans, le pape apparaît plus fatigué et ses douleurs au genou l’obligent à se déplacer en chaise roulante. Mais s’il n’a jamais exclu de renoncer le jour où ses forces ne lui permettraient plus de gouverner l’Église, il a assuré ne pas considérer cette option jusqu’ici.

Les fidèles rendent un dernier hommage à Benoît XVI dans la basilique Saint-Pierre de Rome (AFP)

 

Au contraire, François – qui marquera en mars les 10 ans de son pontificat – ne semble pas vouloir réduire le rythme: son agenda est toujours aussi chargé et deux voyages sont déjà confirmés pour 2023, en Afrique début février et au Portugal en août.

S’il finit par renoncer, il pourrait aussi légiférer en anticipant son départ pour mieux définir les conditions de " retraite " d’un pape.

" Il existe une forme de vide juridique dans le droit canonique ", explique à l’AFP Mgr Patrick Valdrini, professeur émérite à l’université pontificale du Latran à Rome, estimant que le titre d' "évêque émérite de Rome " pourrait in fine remplacer celui de " pape émérite ".

" Guerre civile "

Cette cohabitation jusqu’ici inédite n’a pourtant pas empêché le Jésuite argentin de mener ses réformes : il a ainsi réorganisé la Curie romaine, le gouvernement du Saint-Siège, remis de l’ordre dans les finances et repris la main sur plusieurs organisations catholiques, comme l’Ordre de Malte.

Mais l’opposition d’une frange de l’Église à ses réformes risque de redoubler d’intensité à mesure qu’approche la fin de son pontificat.

" Il y a une guerre civile au sein de l’Église catholique qui va continuer. Il y a des forces qui veulent voir François partir et influer sur le prochain conclave ", insiste M. Politi.

Les deux papes étaient opposés sur de nombreux sujets (AFP)

 

Ces oppositions peuvent prendre la forme de pétitions sur internet, à l’image d’un manifeste publié en 2020 et affirmant que la liberté de culte était menacée par les mesures sanitaires.

Le synode mondial en cours, vaste consultation sur la gouvernance de l’Église et dont l’assemblée générale aura lieu en octobre à Rome, permettra de mesurer les rapports de force sur les grands enjeux, comme la place des femmes, la gestion des cas de pédocriminalité ou la situation des divorcés remariés.

Une échéance chère à François qui pourrait le pousser à rester sur le trône de Pierre au moins jusqu’en 2024, date à laquelle il a fixé la dernière étape de cette réflexion de fond sur l’institution.

Avec AFP