Le retour de Lula Da Silva à la présidence brésilienne a marqué un tournant décisif sur la scène internationale ainsi qu’en Amérique latine.

 

Les larmes versées par le président brésilien sortant Jair Bolsonaro lors de son allocution éclair avant de quitter le palais présidentiel ne risquent pas d’émouvoir l’opinion publique brésilienne, qui a réélu Lula Da Silva pour un troisième mandat, créant ainsi un précédent dans l’histoire du Brésil. En effet, en quittant le Brésil au terme de la conférence de presse, sans même assister à la cérémonie d’investiture du nouveau président comme le veulent les traditions démocratiques, M. Bolsonaro a démontré l’ampleur de la défaite de son camp politique.

Le retour de Lula à la présidence brésilienne a marqué un tournant décisif sur la scène internationale ainsi qu’en Amérique latine. Et pour cause : le Brésil prend le leadership en Amérique du Sud, conforté par l’absence de concurrence de l’Argentine, Buenos Aires étant à la traîne par rapport à Brasilia dans de nombreux domaines, en tête desquels figure le secteur économique.

La victoire du candidat de la gauche, Lula Da Silva, à un moment où les extrêmes droites progressent à travers le monde (Hongrie, Italie, Israël, sans oublier le putsch manqué en Allemagne), représente un revirement important et rabat les cartes sur la scène internationale. En effet, le Brésil aspire à jouer un rôle de premier plan et il aura la capacité d’y parvenir à plus d’un titre.

En substance, le Brésil est éloigné des points chauds de la planète et ne subit pas les conséquences des conflits majeurs qui secouent certains pays du monde. Cela ne veut pas dire pour autant que les tensions et les bouleversements dans les pays voisins ne l’affectent pas. À cela, il faut ajouter sa puissance militaire – deuxième armée la plus importante du continent américain après les États-Unis – et ses capacités considérables dans le secteur de l’industrie militaire qui font du Brésil un acteur avec lequel il faudra compter sur l’échiquier international en raison de sa position et de son rôle géopolitique.

Les prédictions d’Henry Kissinger et de George Kennan sur l’ascension du Brésil dans les années soixante-dix du siècle dernier se confirment. Certes, les politiques d’extrême droite qui avaient, lors du mandat de Bolsonaro, isolées le Brésil du monde et les échecs massifs sur le plan économique, ont freiné l’ascension du Brésil, qui aurait pu être fulgurante. À vrai dire, les dirigeants brésiliens nourrissent des ambitions de puissance depuis le XIXᵉ siècle. Toutefois, l’impérialisme et l’expansion coloniale européenne ont entravé les velléités du Brésil, colonisé à son tour par le Portugal pendant plusieurs siècles.

Néanmoins, le Brésil est doté de nombreux atouts qui lui permettent d’occuper une place prépondérante sur la scène internationale. Les richesses et les ressources naturelles du pays sont considérables, sans compter sa diversité ethnique et son multiculturalisme, sa démocratie remarquable malgré les quelques dérapages liés à la corruption et aux mécanismes de gouvernance, sa position géopolitique et son leadership de l’Amérique latine, sa population qui frôle les 250 millions d’habitants, ainsi que ses immenses capacités industrielles et agricoles. Le Brésil a d’ailleurs vécu une véritable renaissance, notamment pendant le premier mandat du président Lula, de 2003 à 2010. En quelques années, le pays est passé de la situation d’un État endetté à celle d’une puissance industrielle qui talonne les pays développés.

Malgré son ancrage à gauche, Lula a adopté une politique pragmatique, sans jamais renoncer à ses principes. Partant, il a fait de la lutte contre la pauvreté et la famine son fer de lance, sans mener des politiques néfastes ou vindicatives contre la classe capitaliste, tout en préservant son slogan de "redistribution des richesses".

Quant à la politique extérieure, le Brésil entretient des relations avec trois puissances, à savoir les États-Unis, la Chine et l’Union européenne. À ce titre, le simple fait de concilier des politiques entre les deux ennemis jurés (entendre les États-Unis et la Chine) place le Brésil au premier plan des relations internationales.

Les nostalgiques du Mouvement des non-alignés, lancé dans les années cinquante du siècle dernier, alors que la guerre froide entre l’Union soviétique et les États-Unis était à son comble, aimeraient voir le Brésil, l’Inde ou n’importe quelle autre grande puissance mettre fin à cette lutte internationale dangereuse qui présage des conflits militaires sanglants.

Peut-être s’agit-il d’un vœu pieux qui dépasse les capacités actuelles du Brésil ou même ses aspirations. Cependant, le slogan de Lula demeure inchangé : “L’espoir est plus fort que la peur, l’amour plus fort que la rancune".