Le 10 janvier dernier, la Première ministre française Elisabeth Borne a présenté la teneur du projet de la réforme des retraites. Syndicats et partis de gauche, ainsi que le parti d’extrême droite, le Rassemblement national, se sont opposés en bloc à cette réforme. Ils ont appelé, pour commencer, à une journée de mobilisation nationale jeudi qui risque de paralyser la France.

La réforme des retraites en France est un sujet capital qui traîne depuis plus de 30 ans. Elle est devenue de plus en plus urgente face au déficit chronique des caisses de retraite. Comment fonctionne le système de retraite en France, quelles sont les mesures prévues par cette réforme et quels sont les griefs de l’opposition sur ce plan?

Un système plombé par les déficits

Le système de retraite en France se fonde sur le principe de la répartition. Chaque personne active doit cotiser pour financer la retraite de ceux qui sont arrivés à un âge avancé leur permettant de clore leur vie active. Ce système a été mis en place, très partiellement, sous la France de Vichy. Mais il sera adopté irrévocablement et à large échelle après la Libération.

Le Gouvernement provisoire va mettre en œuvre les idéaux de la Résistance en assurant " une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ". Qui dit répartition, dit solidarité sociale. Le système des retraites par répartition est donc la concrétisation de la solidarité intergénérationnelle, entre les actifs et les retraités.

Ce système se différencie du système par capitalisation dans lequel les personnes actives financent eux-mêmes leur retraite. L’argent accumulé par les travailleurs est placé dans des fonds de pension ou de retraite. Ce système, jadis quasi standardisé, connaît un certain essor depuis la libéralisation de leurs économies aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ces pays ont, en effet, trouvé dans ce système une solution au déficit chronique des caisses de retraite. Déficit provoqué, essentiellement, par l’augmentation de l’espérance de vie dans les pays développés tout au long du XXe siècle.

En France, la retraite par répartition se confronte à de nombreux enjeux: augmentation de l’espérance de vie, mauvais équilibre budgétaire, enjeux démographiques etc.

L’augmentation du chômage et du vieillissement de la population rendent le système inefficace. Si en 1950, l’espérance de vie des Français était de 69,2 années pour les femmes et 63,4 années pour les hommes, actuellement, elle est de 85,2 ans pour les femmes et de 79,3 ans pour les hommes. En face, le nombre de naissances a atteint en 2022, un point bas historique: la fécondité a atteint 1,80 enfant par femme.

Il y a, en effet, de moins en moins de jeunes, et donc d’actifs, et de plus en plus de vieux, et donc de retraités. Dans les années 1960, il y avait quatre cotisants pour financer un retraité. Aujourd’hui on est descendu à 1,4.

Photo d’archive d’une manifestation organisée par un groupuscule d’extrême gauche.

Si on ajoute la montée du chômage depuis la fin des années 1970, la multiplication des " régimes spéciaux des retraites " au fil des années, on comprend le déficit actuel des caisses: moins de revenus, plus de dépenses. D’où la nécessité de reformer le système.

Reformer les retraites

Une des (nombreuses) dispositions proposées par la réforme est de travailler plus, et ainsi de faire reculer l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Depuis la réforme Hollande, l’âge légal est de 62 ans en France, contre 65 ans en Espagne et 67 en Allemagne, à titre d’exemple.

Reculer l’âge moyen de départ à la retraite augmenterait le nombre de cotisants, donc réduirait le temps passé à la retraite, et ainsi ralentirait l’augmentation du nombre de retraités.

La réforme a également pour but de mettre fin aux régimes spéciaux dont bénéficient notamment les travailleurs de la fonction publique et des établissements publics (SNCF, RATP, EDF-GDF ).
Les régimes spéciaux permettent à leurs bénéficiaires un départ à la retraite parfois inférieur à 60 ans. C’est le cas, par exemple, des machinistes de la RATP, pour qui il est possible de partir à la retraite à 50 ans et huit mois à cause de la pénibilité de leur emploi.

Pourquoi n’a-t-on pas réagi avant?

La réforme des retraites peine beaucoup à se mettre en place en France, car aucun parti politique ne veut en porter la responsabilité et prendre le risque de perdre des électeurs. D’aucuns refusent de travailler plusieurs années de plus, ou cotiser davantage.

Entre-temps, et parallèlement au déficit, les retraités sont mécontents puisque leurs pensions diminuent comme peau de chagrin au fil du temps.

C’est la raison pour laquelle la réforme se heurte à un large mouvement de contestation, mené évidemment par les partis de gauche, par conviction sociale, et l’extrême droite, par populisme.