Après les émeutes de Brasília, le président brésilien Lula a décidé de purger l’appareil militaire, sur fond de soupçon de complicité interne. Il estime en outre que son prédécesseur Jair Bolsonaro porte la responsabilité des émeutes en ayant incité " les gens à la haine ".

Le président brésilien Lula a poursuivi mercredi la purge au sein de l’appareil militaire au service de l’exécutif tout en s’en prenant à nouveau à Jair Bolsonaro, qu’il estime responsable des émeutes du 8 janvier à Brasília.

Treize militaires chargés de la sécurité ont été renvoyés, a annoncé mercredi le Journal officiel.

Cette nouvelle intervient au lendemain de l’annonce du limogeage de 40 militaires affectés à la résidence présidentielle de l’Alvorada, située dans la capitale, où les sièges de la présidence, du Congrès et de la Cour suprême ont été saccagés par des partisans de l’ex-chef de l’État d’extrême droite.

Le Président brésilien Lula estime que Jair Bolsonaro a " provoqué " et " encouragé " les émeutes de Brasília (AFP)

" Je ne sais pas si l’ancien président (Bolsonaro) a ordonné " les émeutes, a dit Luiz Inacio Lula da Silva mercredi, au cours d’une cérémonie avec des syndicats dans le palais du Planalto. " Ce que je sais, c’est qu’il en est responsable parce qu’il a passé quatre ans à inciter les gens à la haine ".

Le jour de l’assaut, l’ancien métallurgiste et syndicaliste avait déclaré que Jair Bolsonaro, dont il n’avait cependant pas cité le nom, avait " provoqué " et " encouragé " les émeutes à travers des " discours " alors qu’il était à la tête du Brésil (2019-22).

L’ex-président, qui avait quitté le Brésil pour les États-Unis deux jours avant l’investiture de son successeur de gauche, a nié toute implication, tout en " déplorant " ces événements qu’il a qualifiés d' "incroyables ". Il fait l’objet d’une enquête.

Les militaires renvoyés mercredi faisaient partie du Cabinet de la sécurité Institutionnelle (GSI), une instance gouvernementale chargée d’assister le chef de l’État dans sa politique de sécurité nationale et de défense.

Soupçon de complicité interne

Ces annonces interviennent une semaine après que Lula, 77 ans, a exprimé sa méfiance à l’égard de certains membres des forces de l’ordre chargés de sa sécurité.

La semaine dernière, il avait annoncé un examen " approfondi " du personnel du palais, se disant notamment convaincu que les manifestants qui ont envahi le palais présidentiel avaient bénéficié d’une aide de l’intérieur.

" Comment pourrais-je avoir quelqu’un à la porte de mon bureau qui pourrait me tirer dessus ? ", s’était interrogé Lula.

Plus de 4.000 partisans de l’ancien président, qui refusent sa défaite électorale face à Lula fin octobre, ont semé le chaos le 8 janvier à Brasília, envahissant et saccageant les trois centres du pouvoir.

Des ouvriers effectuent les travaux de nettoyage et de rénovation du bâtiment de la Cour suprême du Brésil après sa destruction par des partisans de l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro (AFP)

Des infrastructures, des œuvres d’art inestimables et du mobilier faisant partie du patrimoine national ont été détruits par les émeutiers, qui ont laissé derrière eux des graffitis appelants à un coup d’État militaire.

Plus de 2.000 personnes ont été arrêtées après cette tentative d’insurrection, 1.382 émeutiers présumés étaient toujours en détention mercredi, tandis que l’enquête se poursuit pour tenter de retrouver les organisateurs et ses financeurs.

Le parquet a engagé des poursuites formelles contre 39 d’entre elles pour association criminelle armée, atteinte au patrimoine, violence contre l’État démocratique et incitation au coup d’État.

Le procureur général Augusto Aras a annoncé dans une interview à une chaîne de télévision locale que 200 autres personnes seraient inculpées au cours des deux prochaines semaines.

Anderson Torres, un ancien ministre de la Justice de Jair Bolsonaro, qui était chargé de la sécurité à Brasilia mais se trouvait à l’étranger au moment des faits, a été arrêté pour suspicion de collusion à son retour dans son pays.

Le pénitencier pour femmes de Colmeia du district fédéral, où sont détenues des partisanes de l’ancien président Jair Bolsonaro qui auraient été impliquées dans les violentes émeutes dans la capitale brésilienne le 8 janvier (AFP)

Mercredi, il a comparu devant les enquêteurs pour une première déposition, mais a gardé le silence, selon le portail d’information G1. Il nie lui aussi toute implication dans la tentative d’insurrection.

Lula a par ailleurs indiqué qu’il recevrait le chancelier allemand Olaf Scholz le 30 janvier et qu’il rencontrerait Joe Biden en février aux États-Unis.

" La démocratie est la seule possibilité pour nous de construire une nation forte. C’est pourquoi je vais parler à Biden pour voir comment il gère " l’extrême droite, a écrit le président de gauche sur Twitter.

Dans une interview à la chaîne Globo News, il a également dit qu’il parlerait avec M. Scholz " de ce qui se passe en Allemagne, parce que l’extrême droite est un mouvement international ".

" Au Brésil, nous avons gagné les élections, nous avons battu Bolsonaro. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de vaincre ce récit fasciste au Brésil. Pour cela, nous devrons demander aux forces démocratiques de manifester, quel que soit le parti politique (…) pour défendre la démocratie ", a-t-il déclaré.

Avec AFP