Le séisme de lundi en Syrie démultiplie le défi posé aux organisations humanitaires et aux pays occidentaux pour venir en aide à la population. Dans ce pays levantin morcelé par douze années de guerre civile, certaines zones tels que Idleb, le bastion rebelle, constituent de véritables casse-têtes pour l’arrivée de l’aide internationale.

Dès lundi, la communauté internationale s’est mobilisée pour la Turquie, acheminant sans délai l’aide d’urgence. Des pays comme la France, l’Allemagne ou les États-Unis ont également promis de secourir les victimes syriennes. Sans pour autant déclencher immédiatement les secours, car la " Syrie reste une zone d’ombre d’un point de vue légal et diplomatique ", observe Marc Schakal responsable du programme Syrie de Médecins sans Frontières.

Des casques blancs syriens (secouristes) se réchauffent près d’un incendie à côté d’un immeuble effondré. (AFP)
Les Syries

Il redoute que les ONG locales et internationales ne soient dépassées dans un pays ravagé par douze années de guerre civile, mettant aux prises rebelles, dont certains instrumentés par des puissances étrangères, djihadistes, et forces kurdes. Sans compter l’armée du gouvernement de Bachar al-Assad, soutenu par l’Iran, la Russie, et mis au ban des nations. L’un des problèmes majeurs est l’accès à la région d’Idleb, dernier grand bastion tenu par les rebelles et les djihadistes, qui compte 4,8 millions de personnes.

La quasi de la totalité de l’aide humanitaire y est acheminée depuis la Turquie par Bab al-Hawa, l’unique point de passage, obtenue par résolution des Nations Unies. Acheminer de l’aide depuis le territoire syrien contrôlé par Damas serait épineux diplomatiquement. Cela supposerait aussi que le régime officiel veuille bien la donner aux populations de la zone rebelle et que les belligérants s’accordent sur sa distribution.

Des habitants recherchent des victimes et des survivants parmi les décombres de bâtiments effondrés à la suite d’un tremblement de terre dans le village de Besnaya, dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, tenue par les rebelles. (AFP)
Porte des vents

Le passage de Bab al-Hawa, contesté par Damas et Moscou qui dénoncent une violation de la souveraineté syrienne, reste provisoire et a été réduit comme peau de chagrin au fil du temps. Sous la pression de la Russie et de la Chine, le nombre de points de passage est en effet passé de quatre à un. Bab al-Hawa pourrait ainsi être rapidement congestionné par l’afflux de matériels nécessaires pour aider la population.

Pourtant, les experts doutent de la possibilité que les anciens points de passage puissent être rouverts. Le régime de Damas, sous le coup de sanctions internationales depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, a pressé la communauté internationale de lui venir en aide alors que le bilan ne cesse de s’alourdir: plus de 1.440 morts. Et plus de 3.380 en Turquie, selon des données provisoires.

Normalisation humanitaire

L’ambassadeur syrien aux Nations unies a assuré lundi à l’ONU que cette aide irait " à tous les Syriens sur tout le territoire ". Il a néanmoins posé comme condition que cette aide passe depuis l’intérieur du pays sous contrôle du régime. " Les accès à partir de la Syrie existent, ils peuvent se coordonner avec le gouvernement et nous serons prêts à le faire ", a fait valoir Fayçal Moqdad, rejetant en creux la possibilité d’acheminer de l’aide par des points transfrontaliers.

Mais le professeur redoute que la population d’Idleb notamment, " qui compte 2,8 millions de réfugiés ", soit laissée pour compte, d’autant que les autorités turques ont elles-mêmes fort à faire avec leurs propres zones dévastées. L’aide la plus immédiate devrait provenir des Émirats arabes unis qui ont promis lundi une aide de quelque 13,6 millions de dollars pour la Syrie. C’est un signal d’une " sorte de normalisation au niveau de la ligue arabe ", commente Emmanuel Dupuy. " Ce qui était une évidence, le retour de la Syrie au sein de la ligue arabe dont elle avait été exclue en 2011, est une réalité à travers l’aide humanitaire ", dit-il.

Maxime Pluvinet avec AFP