Le photographe de l’AFP, Adem Altan, travaillait devant un immeuble effondré dans la zone de l’épicentre du séisme, lorsqu’il a aperçu l’homme assis dans les décombres.

Photographe depuis quarante ans, dont quinze à l’AFP, Adem Altan travaillait devant un immeuble effondré de Kahramanmaras, à l’épicentre du séisme qui a fait plus de 14.000 morts rien qu’en Turquie, lorsqu’il a aperçu l’homme assis dans les décombres.

Aucune équipe de secours n’étant encore arrivée sur place mardi, au lendemain du désastre, les habitants tentaient eux-mêmes de dégager les ruines pour sauver leurs proches.L’homme en veste orange restait immobile au milieu du tumulte, insensible à la pluie et au froid. Adem Altan s’est alors rendu compte que l’homme, à 60 mètres de lui, tenait une main dans la sienne.

Adem Altan, photographe de l’AFP basé à Ankara, près de Kahramanmaras le 9 février 2023. (Photo de Volkan NAKIBOGLU / AFP)

Il a commencé à " shooter " la scène: le père tenant la main de son enfant morte sans la lâcher, dans les décombres et la dévastation. Pendant qu’il prenait les photos, l’homme le suivait des yeux : " Prends des photos de mon enfant ", a-t-il murmuré en direction d’Adem, la voix cassée et tremblante.

Il a laissé un instant la main qu’il ne voulait quitter pour montrer au photographe l’endroit où gisait sa fille de 15 ans. Avant de la reprendre aussitôt. " J’étais tellement touché à ce moment-là. J’avais les larmes aux yeux. Je me disais sans cesse, +Mon dieu, c’est une douleur insupportable+ ", raconte le photographe.

Adem lui a demandé alors son nom, ainsi que le nom de son enfant. " Ma fille, Irmak ", a répondu le père, Mesut Hancer.

Mesut Hancer tient la main d’Irmak, sa fille de 15 ans, décédée lors du tremblement de terre de Kahramanmaras, au lendemain d’un séisme de magnitude 7,8 qui a frappé le sud-est du pays, le 7 février 2023. (Photo par Adem ALTAN / AFP)

" Il parlait difficilement, à voix très basse. C’était difficile de lui poser davantage de questions alors que les habitants, autour, demandaient aux gens de rester silencieux pour pouvoir entendre les voix des survivants éventuels coincés sous les décombres ", raconte le photographe.

À ce moment-là, il a tout de suite pensé que l’image résumait la douleur des victimes du séisme. Sans imaginer l’impact qu’elle aurait.  Reprise en une par la presse du monde entier, elle est aussi devenue virale sur les réseaux sociaux, partagée des centaines de milliers de fois par des internautes bouleversés.

Adem Altan a reçu des milliers de messages du monde entier, exprimant leur solidarité et leur émotion face au chagrin de ce père orphelin. " Je pense que c’est une photo qui restera gravée dans les mémoires. Beaucoup m’ont dit qu’ils n’oublieront jamais cette image ", confie-t-il. Lui non plus.

 

Avec AFP