Charlie Hebdo est sous le feu de la critique suite à la publication d’une caricature qui, selon de nombreux internautes, tourne en ridicule les victimes du tremblement de terre qui a fait plus de 22,000 morts en Syrie et en Turquie. Sur Twitter, le dessin de l’hebdomadaire satirique français a été inondé de commentaires le qualifiant de déshumanisant et de déplacé. 

Le magazine satirique Charlie Hebdo a créé la polémique, en publiant une caricature illustrant le séisme meurtrier qui a fait plus de 22,000 morts en Turquie et en Syrie selon le dernier bilan.

Ce " dessin du jour ", réalisé par le caricaturiste Juin, montre un bâtiment en ruines et une voiture renversée, le tout enseveli sous des tas de gravats, avec pour légende : " Même pas besoin d’envoyer les chars ! ", dans une référence à peine voilée à la guerre en Ukraine.

Accusé de tourner en ridicule la souffrance des victimes du séisme, le journal a été critiqué par des milliers d’internautes sur les réseaux sociaux, notamment turcs, qui estiment cette caricature déshumanisante et de mauvais goût. Près de 11 millions de Tweetos ont vu la publication, l’inondant de messages tels que " dégoûtant ", " pathétique ", ou encore " inhumain ". Plusieurs utilisateurs ont diffusé, en guise de riposte, une image montrant le nom " Charlie Hebdo " écrit sur du papier toilette.

Alexandre Boisson, garde du corps de deux présidents de la République de 2002 à 2011, a averti le magazine de potentielles répercussions judiciaires : "  "Mon collègue Franck Brinsolora (RIP) est mort pour vous protéger. Si votre plume devient assassine et conduit une nouvelle fois aux sacrifices d’autres collègues du SDLP, vous devez comparaître en justice pour incitation à la haine ", a-t-il tweeté.

D’autres utilisateurs ont appelé Elon Musk, propriétaire de Twitter, à supprimer le compte du magazine.

Réactions turques

C’est en Turquie, pays où se situe l’épicentre du séisme, que le tollé est le plus grand : sur le réseau social turc Ekşi Sözlük, une publication dédiée à la caricature de Charlie Hebdo a généré près de 45 pages de commentaires scandalisés de la part des internautes.

Le média public TRT World a, lui, mentionné les résultats d’une étude portant sur l’islamophobie dans les dessins de Charlie Hebdo, qui prouverait que le magazine est porteur d’idées racistes et hostiles aux minorités religieuses en France. Même son de cloche pour CNN Türk, qui a qualifié le dessin de " scandaleux ".

Les utilisateurs de Twitter ont diffusé en masse une photo associant Charlie Hebdo à du papier toilette sur les réseaux sociaux (Twitter)

Ibrahim Kalın, porte-parole du président Recep Tayyip Erdoğan, a réagi le lendemain sur Twitter, sur un ton sans équivoque : " Barbares modernes ! Noyez-vous dans votre colère et votre haine ". L’Institut Bosphore, qui vise à renforcer l’amitié entre la France et la Turquie, a condamné ce dessin, le considérant " honteux, pathétique et minable ".

Abdurrahim Boynukalin, représentant du parti dirigeant AKP à Londres, a affirmé sur Twitter que Charlie Hebdo ne " montrait aucune limite dans leur recherche de la controverse ".

Pour beaucoup, la frontière entre liberté d’expression et inhumanité a été franchie. " Même les Turcs avaient été " Charlie Hebdo " pour partager votre douleur en 2015, et aujourd’hui vous osez vous moquer de la souffrance d’un peuple en entier. Il faut vraiment avoir du culot pour afir comme vous l’avez fait, alors qu’il y a encore des bébés qui attendent du secours sous les décombres,  " déclare sur Tweeter la journaliste Öznur Küçüker Sirene.

Liberté d’expression 

En France, la polémique semble diviser les internautes. Certains estiment que les dessins de Charlie Hebdo sont empreints d’ " humour fasciste ", comme l’affirme le journaliste franco-algérien Khaled Sid Mohand. Yannis Mahil, islamologue franco-marocain, qualifie la publication de " discours de haine " sous couvert de liberté d’expression et d’humour.

Le magazine avait déjà publié une caricature similaire en 2016, où il comparait les victimes du tremblement de terre dans le centre de l’Italie à des lasagnes (Twitter)

Ce n’est pas l’avis de Younès Ben Haddou qui a publié une tribune dans le Journal du Dimanche, en défense du magazine. Il estime que la publication est une " dénonciation acide de la politique d’Erdogan vis-à-vis des Kurdes syriens ", et accuse les détracteurs de Charlie Hebdo d’ " instrumentalisation cynique ".  " Comment ces gens peuvent passer à côté du second degré et de l’ironie, ces méthodes d’humour bien connues chez Charlie ? " affirme-t-il.

Ce n’est pas le première fois que Charlie Hebdo tombe sous le feu de critiques internationales en raison de dessins en rapport avec des catastrophes naturelles. Peu après le tremblement de terre qui avait dévasté le centre de l’Italie en 2016, le magazine avait publié une caricature associant des cadavres ensanglantés et empilés les uns sur les autres à des lasagnes.

Face au tollé, le magazine a pour l’heure gardé le silence.