La Russie a condamné vendredi Google et Meta à des amendes record de 87 millions et 23 millions d’euros pour n’avoir pas supprimé des contenus " interdits ", signe de la pression grandissante dans le pays contre les géants du numérique.

Ces dernières années, les autorités russes ne cessent de renforcer leur contrôle d’internet, dernier espace où les voix critiques du Kremlin peuvent s’exprimer encore avec une relative liberté.

Elles sanctionnent régulièrement les grandes entreprises numériques, surtout étrangères, accusées de ne pas effacer des contenus jugés dangereux pour les mineurs ou liés à l’opposition.

Les amendes de 7,2 milliards de roubles (87 millions d’euros au taux actuel) et 1,9 milliard de roubles (23,8 millions d’euros) dont ont écopé respectivement Google et Meta (maison mère de Facebook) sont toutefois inédites par leurs montants.

Le service de presse des tribunaux de Moscou a indiqué que les géants californiens avaient été reconnus coupables de " récidive ". Ils ont dès lors été condamnés, pour la première fois, à une amende calculée sur la base de leurs revenus en Russie.

Dans un communiqué, le gendarme russe des télécoms, Roskomnadzor, a affirmé que, dans ce cas de figure, les contenus prohibés attisaient soit " la haine religieuse ", contenaient des informations " non fiables " ou dangereuses pour les mineurs, ou faisaient la promotion " d’organisations terroristes ou extrémistes ".

Selon Roskomnadzor, les réseaux sociaux Facebook et Instagram (propriété de Meta) comptent encore plus de 2.000 contenus prohibés en Russie. Pour Google, ce chiffre atteint plus de 2.600.

" Nous allons étudier les documents de la cour et déciderons ensuite des mesures à adopter ", a déclaré en milieu de journée à l’AFP le service de presse de Google.

Outre la pression des amendes, les autorités ont menacé d’arrêter des employés d’Apple et Google en Russie si elles ne coopéraient pas, selon des sources internes à ces groupes.

En septembre, juste avant des élections législatives, Moscou avait réussi par ce biais à contraindre ces deux sociétés, accusées d' "ingérence électorale ", à retirer de leurs magasins virtuels en Russie l’application de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny.

Pour obtenir gain de cause, les autorités russes peuvent aussi ralentir des services ou les bloquer. Plusieurs sites de M. Navalny, dont les organisations ont été reconnues " extrémistes " par la justice russe, ont été bloqués définitivement.

En septembre, la Russie a aussi bloqué six logiciels très utilisés de réseaux privés virtuels (VPN) permettant d’accéder aux sites internet interdits.

Léonid Volkov, allié de M. Navalny, estime que Google va être confronté prochainement à un choix cornélien : ne pas payer l’amende et quitter le marché russe, ou supprimer tous ses contenus " illégaux ", notamment les vidéos très vues d’Alexeï Navalny sur Youtube (propriété de Google).

" Le marché est assez important, Google ne veut pas le perdre, mais une amende d’une telle taille le rend moins intéressant ", a écrit vendredi M. Volkov sur Telegram.

Depuis 2014, la loi russe requiert également que les entreprises web stockent les données de leurs utilisateurs russes en Russie, une législation qui a coûté des milliers d’euros d’amende aux entreprises numériques étrangères.

Les autorités développent aussi un système d' "internet souverain " qui donnera à terme la possibilité d’isoler le net russe en le séparant des grands serveurs mondiaux. Le Kremlin nie vouloir bâtir un réseau national sous contrôle, comme en Chine, mais c’est ce que craignent ONG et opposants.

En janvier 2021, le président Vladimir Poutine avait jugé que les géants de l’internet étaient " en concurrence de facto avec les Etats ", dénonçant leurs " tentatives de contrôler brutalement la société ".

Le pouvoir russe renforce enfin de façon grandissante sa main mise sur les champions du numérique russe.

Passé sous le contrôle d’une filiale du géant gazier Gazprom, le groupe de tech russe VK, maison mère du premier réseau social de Russie " VKontakte ", est ainsi dirigé depuis mi-décembre par Vladimir Kirienko, fils d’un proche collaborateur de M. Poutine.

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