Des gardes armés se tiennent à côté de pneus enroulés dans des fils de fer barbelé, sous un drapeau du Bélarus. Plus loin, l’Ukraine. Et entre les deux, l’un des no man’s land les plus scrutés de la planète.

Depuis le lancement l’an dernier de l’offensive russe contre l’Ukraine, l’attitude du Bélarus, proche allié de Moscou, est surveillée de près par Kiev et ses partenaires occidentaux qui redoutent une entrée de Minsk dans le conflit.

Le Bélarus accueille aussi un nombre inconnu de soldats russes sur son territoire, ce qui maintient la pression sur l’armée ukrainienne : l’an dernier, des chars russes étaient entrés en Ukraine depuis le Bélarus pour attaquer Kiev.

Si cette ex-République soviétique sert de base arrière à l’armée russe, elle s’est jusque-là gardée d’envoyer des soldats en Ukraine, une option encore balayée jeudi par son dirigeant Alexandre Loukachenko sauf en cas d’agression ukrainienne.

Mais la méfiance règne : les deux camps s’observent en chiens de faïence, guettant le moindre signe d’hostilité. Au poste-frontière de Dzivine, côté bélarusse, les gardes accusent ceux d’en face de " provocations ".

Les tensions se sont accrues entre les deux pays (AFP)

" Il existe des tentatives visant à entraîner le Bélarus dans le conflit ", fustige le porte-parole des gardes-frontières, Anton Bytchkovsky.

Selon lui, les Bélarusses font " tout pour ne pas être entraînés dans un incident frontalier ", assurant que la situation reste " sous contrôle, mais tendue ".

L’AFP a pu se rendre sur place avec d’autres médias lors d’un voyage de presse organisé par les autorités du Bélarus où les journalistes étrangers ne sont admis qu’en de rares occasions.

Le poste-frontière ukrainien le plus proche se trouve à une centaine de mètres. Au loin, le drapeau bleu et jaune flotte au vent.

En signe de défi, les Ukrainiens ont également hissé la bannière blanche-rouge-blanche de l’opposition bélarusse, durement réprimée ces dernières années par le régime d’Alexandre Loukachenko.

Tensions visibles

Avant l’offensive russe, environ 500 véhicules passaient chaque jour par ce poste-frontière. Aujourd’hui, l’endroit est désert, ce point de passage étant fermé depuis un an, comme le reste de la frontière entre les deux pays.

Si cette région rurale du sud-ouest du Bélarus est éloignée des combats qui font rage dans l’est de l’Ukraine, les tensions sont bien visibles.

En amont du village de Dzivine, parfois orthographié Divine, un point de contrôle a même été installé par les autorités. Impossible d’y accéder sans un laissez-passer officiel.

Des gardes-frontières biélorusses patrouillent le long de la frontière près du point de passage frontalier de Divin entre le Belarus et l’Ukraine (AFP)

Deux gardes cagoulés patrouillent sur une route boueuse le long de la clôture barbelée, l’un équipé d’un fusil canon vers le sol, l’autre tenant un chien en laisse.

Interrogé sur ce que représentait la date du 24 février 2022, date de l’entrée des troupes russes en Ukraine, notamment depuis le Bélarus, Anton Bytchkovsky marque une pause.

" Comme l’ensemble de la communauté internationale, nous avons réalisé ce jour-là que les dirigeants politiques devaient s’asseoir à une table et négocier ", reprend-il.

Cette perspective semble bien loin aujourd’hui.

D’un côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a juré de vaincre l’armée russe, jugeant impossible de négocier avec Moscou tant que Vladimir Poutine sera au Kremlin.

Un homme marche dans la zone frontalière biélorusse de Divin (AFP)

De l’autre, le dirigeant russe s’est donné pour mission de " dénazifier " et " démilitariser " l’Ukraine, l’accusant de perpétrer un prétendu " génocide " contre les russophones.

Signe de l’importance du Bélarus dans sa stratégie militaire pour son offensive en Ukraine, Vladimir Poutine, pourtant peu visible en public depuis un an, a effectué en décembre un rare déplacement à Minsk.

Un moyen aussi de rappeler à son hôte, Alexandre Loukachenko, que ce dernier restait largement dépendant du soutien politique et économique du Kremlin et lui devait fidélité absolue en plein conflit.

Deux mois plus tôt, Moscou et Minsk avaient annoncé le déploiement au Bélarus d’une nouvelle force conjointe avec la Russie, comptant jusqu’à 9.000 soldats russes et environ 170 chars.

Marie de La Roche Saint-André, avec AFP