En Centrafrique, la guerre d’influence franco-russe a fait un dommage collatéral inattendu : le géant français de l’alcool Castel, cible d’une campagne d’intimidation qui serait orchestrée par la compagnie Wagner. Un incendie criminel a notamment ravagé une brasserie Castel à Bangui le 5 mars. Castel est une cible idéale, objet d’une enquête préliminaire de la justice antiterroriste française pour " complicité de crimes de guerre " en Centrafrique.

Dans la nuit du 5 au 6 mars à Bangui, les caméras de surveillance filment quatre hommes masqués en tenues similaires à celles des mercenaires russes de Wagner, jetant des cocktails Molotov sur la brasserie MOCAF du géant français de l’alcool Castel.

Et ce, trois mois après qu’un colis piégé blessé dans la capitale le " conseiller culturel " russe Dmitri Syty, " un des piliers du système Wagner en Centrafrique " selon le collectif international d’enquête All Eyes on Wagner. Attentat dont le chef de cette société privée de sécurité, Evguéni Prigojine, très proche de Vladimir Poutine, accuse la France. Qui dément et parle de " propagande ".

La guerre d’influence franco-russe dans ce pays d’Afrique centrale, parmi les plus pauvres du monde et en guerre civile depuis près de 10 ans, était jusqu’alors circonscrite à des trolls massifs sur les réseaux sociaux. Elle se déplace sur un terrain dangereux.

La vidéo de l’attaque de la brasserie, virale sur les réseaux sociaux et authentifiée par la MOCAF pour l’AFP, en est un nouveau vecteur.

Et Castel est une cible idéale, objet d’une enquête préliminaire de la justice antiterroriste française pour " complicité de crimes de guerre ": un présumé " arrangement financier " avec des rebelles pour la sécurisation des installations d’une autre filiale, la SUCAF.

Depuis fin janvier, la MOCAF, inaugurée en 1953 et l’un des plus gros employeurs du pays, était la cible de campagnes de dénigrement et menaces, dans la rue et sur la toile.

" Castel c’est la mort ", " Si vous achetez Castel, vous payez votre meurtre ", lisait-on sur les pancartes d’une vingtaine de manifestants devant la brasserie mi-janvier. " Castel = Terroriste ", proclamaient ailleurs des affichettes.

" L’incendie a été le point d’orgue, mais il y a eu une tentative d’intrusion avant ", détaille à l’AFP un cadre anonyme de Castel en France: " Le 30 janvier, pendant le couvre-feu, trois hommes blancs sortent d’un véhicule banalisé et s’approchent avec une échelle avant d’être mis en fuite par la sécurité. La même soirée, un drone survole la brasserie ".

L’incendie criminel, " c’était une action commanditée, une attaque-éclair ", " cinq minutes au total ", observe Ben Wilson Ngassan, consultant en communication de la MOCAF qui a dénombré le jet " d’une trentaine de cocktails Molotov ".

Sami Erchoff avec AFP