Mis en examen pour financement du terrorisme, l’ex-PDG de Lafarge a accusé les " services français " d’avoir infiltré le groupe en Syrie. Le groupe cimentier français est accusé de complicité de crime contre l’humanité pour avoir notamment financé Daech.

L’ex-PDG du cimentier français Lafarge, mis en examen dans l’information judiciaire sur les activités du groupe jusqu’en 2014 en Syrie, accuse dans un entretien au journal Libération vendredi " les services français " d’avoir " infiltré " le groupe sur place à l’époque.

" Il est clair qu’entre l’histoire qu’on a racontée au début, celle qui dit que Lafarge, pour des raisons purement lucratives, aurait financé des groupes terroristes en Syrie entre 2013 et 2014, et ce qu’on découvre aujourd’hui, la situation est totalement différente ", d’après Bruno Lafont.

" On apprend qu’il y a eu une relation particulière entre l’État français et ses services, et Lafarge (…). Une des raisons pour lesquelles l’État s’est intéressé à nous, c’est que le site de l’usine était vraiment un endroit stratégique pour la coalition antiterroriste et pour la France. C’est pour cela, je crois, que les autorités nous ont, a minima, encouragés à maintenir nos activités en Syrie ", affirme celui qui dirigeait le cimentier jusqu’en 2015.

" Si l’entreprise a été infiltrée, c’est à mon insu ", maintient-il. " J’ignorais tout des paiements à des groupes terroristes et des activités de l’État dans notre usine ".

Comme en octobre dernier, Bruno Lafont répète son souhait d’être entendu par les juges, ainsi que sa demande que soient entendus " un certain nombre de responsables de l’État qui ont joué un rôle important à cette période précise ", des " cadres des services de renseignement ou de l’état-major particulier du président de la République ", ainsi qu’une " nouvelle levée du secret-défense ".

Le groupe Lafarge est pour sa part mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité.

Il est soupçonné d’avoir versé, en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d’euros à des groupes terroristes, dont le groupe État islamique, et à des intermédiaires afin de maintenir l’activité d’une cimenterie en Syrie à Jalabiya alors que le pays s’enfonçait dans la guerre.

L’enquête française a évalué ces versements entre 4,8 et 10 millions d’euros pour le seul groupe EI.

Marie de La Roche Saint-André, avec AFP