Cinq jours après sa révélation par le New York Times, la fuite de documents classifiés inquiète au plus haut degré le Pentagone, qui a déclaré lundi redouter un risque " très grave " pour la sécurité nationale des États-Unis. Ces documents diffusés sur les réseaux sociaux concernent notamment des évaluations et des rapports des services de renseignement américains liés à la guerre en Ukraine, mais également aux alliés des États-Unis.

La fuite de documents classifiés américains notamment liés à l’Ukraine pose un risque " très grave " pour la sécurité nationale des Etats-Unis, a estimé lundi le Pentagone. Le président Joe Biden a été informé de cette situation, qui suscite une inquiétude croissante auprès de son administration, " en fin de semaine dernière ", a déclaré son porte-parole John Kirby.

Ces documents, qui datent du début du mois de mars selon le quotidien américain, évoquent par exemple le rythme auquel les forces ukrainiennes utilisent les cruciales munitions des lance-roquettes mobiles Himars, ou encore le calendrier des livraisons d’armes ou des formations fournies par l’Occident aux soldats de Kiev.

Les documents, partagés sur Twitter et Telegram, semblent authentiques, selon des experts cités par le journal new-yorkais. Certains auraient cependant été altérés pour présenter la situation russe sous un jour plus favorable, notamment en minimisant l’ampleur de leurs pertes.

Ces documents diffusés sur les réseaux sociaux pourraient s’avérer précieux pour Moscou, révélant à quel point les services de renseignement américains ont pénétré des parties de l’appareil militaire russe, analysent les médias américains.

La porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, et le contre-amiral à la retraite John Kirby, porte-parole du conseil de sécurité nationale lors de leur point de presse lundi.

Parmi ces documents, dont la fuite en ligne a été révélée jeudi dernier par le New York Times, l’un fait le point sur l’état du conflit en Ukraine début mars, d’autres évoquent la situation sur des fronts spécifiques, comme à Bakhmout, ou les cruciales défenses antiaériennes de Kiev.

Certains semblent aussi indiquer une collecte de renseignements opérée par les États-Unis et ciblant certains de leurs alliés: un document mentionne, par exemple, que des dirigeants du Mossad, le service de renseignement israélien, auraient défendu les manifestations contre la controversée réforme du système judiciaire en Israël.

S’il n’a pas voulu se prononcer sur l’authenticité de ces documents, John Kirby, porte-parole du conseil de sécurité nationale rattaché à Joe Biden, a évoqué la préoccupation des autorités américaines. " Nous ignorons le responsable de cela. Nous ignorons s’ils ont davantage (de documents) à poster " en ligne, a-t-il dit, avant d’ajouter: " Est-ce que c’est un sujet de préoccupation pour nous? Absolument. "

Le fait que ces documents circulent en ligne représente " un risque très grave pour la sécurité nationale et peut alimenter la désinformation ", a par ailleurs indiqué lundi à la presse un porte-parole du ministère américain de la Défense, Chris Meagher.

Le ministère de la Justice a ouvert une enquête pénale distincte.

Le flot régulier de photographies de documents classifiés a été découvert sur Twitter, Telegram, Discord et autres plateformes ces derniers jours, bien que certains aient pu circuler en ligne pendant des semaines avant d’attirer l’attention médiatique.

Le siège du New York Times, près du Times Square, dans la capitale économique des États-Unis.

Beaucoup d’entre elles ne sont plus disponibles sur les sites dans lesquels elles sont initialement apparues, et les autorités américaines travailleraient à ce qu’elles soient toutes retirées.

Le ministre de la Défense lui-même, Lloyd Austin, n’a été informé du problème que le 6 avril au matin, jour où la fuite a été révélée, plus tard dans la journée, par le New York Times, a indiqué le porte-parole du Pentagone.

Des responsables américains ont pris contact avec les alliés de Washington à ce sujet, " y compris pour les rassurer sur notre engagement à protéger les renseignements et sur notre capacité à garantir nos partenariats ", a assuré le porte-parole de la diplomatie américaine Vedant Patel. Les commissions parlementaires concernées ont été informées, avait auparavant indiqué le Pentagone.

Le porte-parole du ministère de la Défense, M. Meagher, a affirmé qu’une équipe travaillait à déterminer si les documents étaient authentiques, et a noté qu’en tout état de cause, les photos diffusées semblaient contenir des informations sensibles, mais certaines " semblent avoir été modifiées ".

Au moins un des documents paraît, en effet, avoir été altéré pour laisser croire que l’Ukraine aurait subi des pertes plus importantes que la Russie, quand le supposé original disait l’inverse.

Les conséquences de ces fuites pourraient être graves, voire mortelles pour les sources des renseignements américains.

" La divulgation d’informations classifiées et sensibles peut non seulement avoir d’énormes répercussions pour notre sécurité nationale, mais également mener des personnes à la mort ", a averti Chris Meagher.

Roger Barake, avec AFP