"J’avais l’habitude de faire une génuflexion devant le tombeau du Christ, et je me faisais la réflexion que c’était absurde, qu’il n’y avait pas de Présence réelle, que c’est devant les Saintes espèces qu’il convient de faire une génuflexion. Mais, au Saint-Sépulcre, devant ce tombeau, il y a l’absence réelle."

L’auteure de ces lignes est Marie Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre sainte magazine qui a pu pénétrer, durant des travaux de rénovation du Saint Sépulcre, jusqu’à la roche qui a supporté le corps du Christ, un caveau aujourd’hui recouvert d’une dalle de marbre et qu’il n’est plus possible de voir que très partiellement, par une ouverture protégée avec du verre blindé.

La tombe de Jésus, la précieuse relique préservée dans le Saint sépulcre, n’est pas (n’est plus) fait d’une roche ordinaire. La surface où a reposé le corps possède la propriété – inexplicable jusqu’à présent – de dérégler l’instrument de mesure électromagnétique qu’on en approche. "Impossible d’aller au-delà de ce simple constat", écrit Mme Beaulieu, entrée d’abord en sceptique.

Les lignes de la rédactrice en chef de Terre sainte magazine contiennent l’une des plus belles choses écrites au sujet de la tombe de Jésus. L’oxymore étonnant – "l’absence réelle" –, traduit la surprise totale que fut, pour les disciples et les femmes qui le cherchaient en pleurant, l’absence du corps de Jésus de la tombe où on l’avait déposé. Où est passé le corps? C’est la question lancinante adressée à Jésus même, rendu méconnaissable par la Résurrection, par Marie-Madeleine en pleurs: "On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis."

C’est ce même cri que lancent aujourd’hui, navrés, tous ceux qui cherchent la Vérité, tous ceux qui cherchent, désespérément, une raison d’espérer sous le fatras de vérités de pacotille dont on les étouffe.

Trésor de l’Église

C’est donc de cette tombe au vide comme palpable que jaillit la flamme du Samedi saint. Ce samedi dans lequel la tradition chrétienne voit "le sabbat" du Crucifié, son repos et son irruption triomphale au séjour des morts, après le tourment de la crucifixion.

Les évangiles nous livrent les détails de la descente de la croix et de la déposition du corps de Jésus dans une tombe neuve creusée dans le roc, avant que les deux hommes qui avaient accompli cette tâche sacrée, Joseph d’Arimathie et Nicodème, ne rentrent chez eux pour le repos du sabbat que tout Juif pieux devait observer strictement. C’est le surlendemain, le troisième jour, au point du jour, que les porteuses d’aromates ont la surprise de découvrir la tombe vide et les linges qui ont enveloppé le corps – linceul et linge de visage – posés sur la surface rocheuse où le corps avait reposé.

Ces linges, signes visibles et miraculeux de cette exception à la loi de décomposition des corps, sont le trésor de l’Église. La flamme du samedi saint, aussi. Selon l’historien Eusèbe de Césarée (IVᵉ siècle), ce feu survint la première fois à Jérusalem lors de la Pâques de l’an 162. Il écrit que "lorsque les gardiens de l’église étaient sur le point de remplir les lampes pour les préparer à célébrer la résurrection du Christ, ils ont soudainement remarqué qu’il ne restait plus d’huile dans les lampes. Ils ont alors prié et une flamme est apparue spontanément dans le tombeau du Christ."

D’autres historiens font remonter le rite du saint feu, comme tradition chrétienne orthodoxe, au IVᵉ siècle.

Une flamme dansante et évanescente

Cette flamme venue du monde invisible – et jusqu’à présent non mesurable – apparaît au sein d’une chapelle construite au-dessus de la tombe, et entourée d’une basilique, bâtiment dans un bâtiment, accessible uniquement sur autorisation des Églises qui en ont la garde: l’Église grecque-orthodoxe, les Franciscains (Église catholique) et les Arméniens apostoliques. C’est le patriarche orthodoxe de Jérusalem qui, entré solennellement dans l’édifice, en ressort triomphalement en brandissant des cierges mystérieusement enflammés. Auparavant, les autorités israéliennes s’assurent qu’aucun moyen physique n’existe pour provoquer son apparition. Ce sont eux aussi qui assurent le service d’ordre.

Avant de se stabiliser en une flamme ordinaire, le saint feu jaillit d’abord en une flamme dansante et évanescente. Transmis aux pèlerins, ces derniers se la passent d’abord sur le visage et les mains, sans qu’elle ne les brûle. On l’a comparée à d’autres flammes immatérielles dont parlent les Écritures saintes, en particulier à la flamme apparue à Moïse sur l’Horeb dans un buisson qu’elle ne consumait pas, et dont une voix lui est venue lui ordonnant d’ôter ses sandales en ce lieu sacré. Le "buisson ardent" de Moïse a lui-même été comparé au Cœur de Jésus, surmonté d’une flamme, qui brûle sans se consumer, ou aux langues de feu apparues au-dessus de la tête des Apôtres, le jour où l’Esprit saint leur fut accordé, selon le récit qu’en fait saint Luc, dans les Actes des Apôtres.

Autant de signes d’authenticité accordés à une époque malade de sa raison. Que nous dit le saint feu, que des charters et des avions vont distribuer samedi dans les principales capitales orthodoxes du monde, y compris Beyrouth? Il dit que Jésus est vivant, que la mort n’a plus aucune prise sur lui, que sa parole porte le sceau de la vérité éternelle, celle qui doit prévaloir partout où les hommes meurent cruellement et inutilement, comme en Ukraine, en Azerbaïdjan, au Nigéria; partout où le fanatisme humain, au nom de Dieu ou de la nation divinisée, continue à faire des ravages.

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