Comme 2020, l’année qui vient de s’achever a donné lieu à une véritable hécatombe, en raison de la pandémie. Les personnalités décédées du virus sont nombreuses : le célèbre animateur Larry King, passé de CNN à Russia Today avant son décès, l’ex-secrétaire d’Etat américain Colin Powell, devenu célèbre pour sa fiole agitée devant l’ONU, ou encore Michel Kilo, l’opposant historique au régime Assad. D’autres figures notables nous ont également quittés : l’archevêque qui a combattu l’apartheid Desmond Tutu, Donald Rumsfeld, bras droit de Nixon et George W. Bush, ou encore Bernard Madoff, célèbre escroc américain. Ici Beyrouth revient sur six figures politiques marquantes de la scène arabe et internationale qui nous ont quittés en 2021.

Le Prince Philip, une vie dans l’ombre de la Reine

La Reine Elizabeth II et le Prince Philip, le 23 novembre 2004 à Westminster. (Photo by ADRIAN DENNIS / AFP)

L’époux de la Reine Elizabeth II s’est éteint le 9 avril 2021, à l’âge de 99 ans, deux mois avant son 100e anniversaire. Philip Mountbatten, né Philippe de Grèce, intègre la Royal Navy en 1939 et se destine à une carrière militaire. De son union avec Elizabeth II naissent quatre enfants : Charles, prince de Galles, héritier du trône (né en 1948), Anne (née en 1950), Andrew (né en 1960) et Edward (né en 1964). Au long de sa vie, Philip a été décrit comme un homme vivant dans l’ombre de la puissance monarchique exercée par son épouse. Défenseur de la nature, le prince Philip militait pour des "conventions internationales sur la pêche". Réputé gaffeur, il déclara alors, en pleine Guerre froide : "J’aimerais beaucoup aller en Russie, même si ces bâtards ont assassiné la moitié de ma famille". Ses funérailles se sont déroulées au château de Windsor et ont eu un retentissement mondial.

Idriss Déby, le dictateur "rempart contre le terrorisme" 

L’une des dernières apparations d’Idriss Déby, lors d’un rassemblement à N’Djaména, le 9 avril 2021, une semaine avant sa mort. (AFP / Marco LONGARI)

Soutenu par la France, il arrive au pouvoir en 1990 après avoir chassé Hissène Habré. Durant ces cinq mandats, il dirige le Tchad d’une main de fer, en bafouant les libertés publiques. Des ONG l’accusent de violer les droits humains, notamment via sa Garde républicaine responsable de tuer à grande échelle. A la tête d’un des pays les plus pauvres du monde, Idriss Déby reste néanmoins le maillon central de la lutte contre le terrorisme au Sahel, et de ce fait, un partenaire clé de la France, qui ne le lâchera pas. Le journal Le Monde parle d’une "mascarade démocratique de plus", lorsque Déby est réélu président avec 79,32 % des voix, en février 2021. Alors que les rebelles tchadiens lancent une offensive depuis la Libye le jour de sa réélection, Déby se rend sur le front et participe aux combats. Il est mortellement touché le 17 avril et succombe à ses blessures.

Michel Kilo, figure historique de l’opposition syrienne

L’opposant historique au régime syrien, Michel Kilo. (AFP)

Durante quarante ans, l’intellectuel Michel Kilo s’est opposé au régime Assad, père et fils. Homme de gauche, journaliste et traducteur, il est l’un des premiers opposants au régime, dès l’ascension au pouvoir de Hafez al-Assad en 1970. Incarcéré en 1981 suite à ses prises de positions, Michel Kilo poursuit ses activités dans la clandestinité, avant de revenir dans la lumière au travers du supplément du quotidien *An-Nahar*. Il y publie des articles attaquant frontalement le régime syrien. Il participe au "Printemps de Damas" en l’an 2000, vaste mouvement en faveur des libertés initié lors de l’arrivée au pouvoir de Bachar el-Assad, avec de nombreux autres intellectuels, qui sera réprimé par le régime. De nouveau emprisonné en 2006 suite à la "Déclaration Beyrouth-Damas", qui reconnaît la souveraineté du Liban et fait écho à la demande de rééquilibrage dans les relations entre les deux pays faite par l’opposition plurielle au Liban, il est libéré en 2009. Face à la barbarie du régime enclenchée contre l’opposition en 2011, il se réfugie en France afin de poursuivre son combat politique et intellectuel. Il meurt du Covid-19, le 19 avril 2021, à Paris, sans jamais revoir sa terre natale.

Abdelaziz Bouteflika, l’ami encombrant de la France

Abdelaziz Bouteflika quitte, le 19 décembre 2003, le Palais de l’Elysée à Paris, à l’issue d’un déjeuner de travail avec le président Jacques Chirac. (Photo by Mehdi FEDOUACH / AFP)

Arrivé au pouvoir en 1999 lors d’une élection entachée de fraudes, Abdelaziz Bouteflika est présenté comme "le sauveur de la nation". Il rejoint l’Armée de libération nationale (ANL) à l’âge de 19 ans, engagé contre la puissance coloniale française. Candidat plébiscité par l’armée, il s’impose et ne quitte plus le pouvoir, en étant réélu cinq fois de suite avec des scores électoraux avoisinant les 80%. Très proche de la France, il est reçu à sept reprises en visites officielles auprès des présidents français qui se succèdent. On le disait proche de Jacques Chirac, avec qui il partageait des points de vue en terme de politique étrangère. Depuis son accident vasculaire cérébral AVC en 2013, son entourage gérait le pays en coulisses, alors que ses apparitions publiques se faisaient plus rares. Abdelaziz Bouteflika termina son règne chassé par la rue, dans un mouvement de protestation inédit, le mouvement du Hirak, en 2019. Il meurt le 17 septembre 2021 et laisse derrière lui un pays en plein marasme économique.

Bernard Tapie, l’homme aux mille vies

Des supporters marseillais de Bernard Tapie se rassemblent à l’annonce de son décès. (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)

Décédé le 3 octobre à l’âge de 78 ans, l’homme d’affaires français était adulé par les uns, controversé pour les autres. Après des débuts dans la chanson, Bernard Tapie construit sa notoriété en devenant tour à tour un animateur, un homme politique et un businessman connu de tous les Français. Charismatique et "grand gueule", il tient tête à Jean-Marie Le Pen en 1989, son premier coup d’éclat en direct à la télévision. À la tête de l’Olympique de Marseille (OM), dont il assure la victoire épique à la tête de Coupe d’Europe des clubs champions contre l’AC Milan en 1993, ce patron de club de foot est plusieurs fois poursuivi (et condamné) par la justice, rattrapé par de multiples affaires rocambolesques. Nommé ministre de la Ville par François Mitterand au sein du cabinet Bérégovoy en 1992, il endosse plusieurs casquettes jusqu’à son retrait de la vie publique. En 2017, l’homme d’affaires révèle être atteint d’un cancer de l’estomac, mais aussi de l’œsophage, et enfin des poumons en 2019. Durant ces mille vies, il a gravi un à un les marches de la célébrité en multipliant les projets ambitieux. Il décède le 3 octobre 2021. Ces funérailles ont rassemblé de nombreux hommes et femmes politiques, toutes orientations confondues.

Colin Powell, l’homme de Bush dans la guerre contre l’Irak

Colin Powell lors de son discours historique du 17 février 2003 à l’ONU, préparant l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Irak. (Photo by HENNY RAY ABRAMS / AFP)

Ancien secrétaire d’État de George W. Bush dans les années 2000, Colin Powell a commencé sa carrière en tant que militaire. Il a combattu au Vietnam et a été déployé en Corée du Sud en 1972, en tant que commandant. Il a donné son nom à la doctrine Powell. Il est le premier Afro-Américain à occuper le poste de chef d’état-major des armées, en 1989. Avant l’entrée en guerre des États-Unis contre le régime de Saddam Hussein en 2003, il agite une fiole prétendument remplie d’anthrax lors de son discours prononcé devant l’Assemblée générale de l’ONU, une séquence qui a durablement écorché son image. "C’est une tâche dans ma carrière", reconnaîtra-t-il plus tard, accusé d’avoir menti délibérément. Lors des élections de 2016 et 2020, Colin Powell soutient Hillary Clinton et Joe Biden, estimant que Donald Trump "mentait sur plein de choses". Il meurt des complications du Covid-19 le 18 octobre 2021.