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L’audience accordée par le pape François au président ukrainien, Volodymyr Zelensky, il y a quelques jours, dépassait de loin le cadre d’une rencontre ordinaire. Le pape François est un homme de paix qui rejette l’injustice, au même titre que l’Église catholique, ainsi que toutes les églises et religions. De son côté, le président Zelensky est un homme d’État qui n’a pas hésité à défendre l’identité et la souveraineté de son pays. Cette rencontre, riche en symbolisme, dérogeant au protocole et au programme dense, incluant un rendez-vous avec le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, Mgr Paul Richard Gallagher, était-elle un soutien ecclésiastique à la logique de guerre, ou s’agissait-il d’un pas sur la voie du rétablissement de la paix entre l’Ukraine et la Russie? Voire entre la Russie et le reste du monde?

La réponse à cette question est complexe. L’Église porte au cœur de sa mission un appel constant à résoudre les conflits de manière pacifique, loin de toute violence. Cette approche ancrée dans l’histoire ne sous-entend pas l’approbation de l’injustice, de l’autoritarisme, du non-respect du droit international ou de l’atteinte à la souveraineté des nations. Par conséquent, en opposition à l’Église orthodoxe russe qui considère l’intervention russe en Syrie comme une guerre sacrée et l’offensive contre l’Ukraine comme légitime sur le plan religieux et national, l’Église catholique, et même d’autres Églises orthodoxes avec les Églises évangéliques, se sont abstenues de légitimer la violence. Ces Églises ont condamné sans équivoque l’agression russe en Ukraine. Une condamnation morale radicale. La radicalité en matière d’éthique, qu’elle soit géopolitique ou spirituelle, est fondamentale. Certains peuvent se sentir mal à l’aise avec cette position, cherchant à discréditer moralement ceux qui l’adoptent. Cependant, l’histoire finit par rendre justice à ceux qui sont radicaux dans la poursuite de la vérité.

Dans ce contexte, alors que le pape François maintient fermement son opposition à l’injustice tout en soulignant que la guerre ne génère que désolation, le président ukrainien défend résolument la souveraineté de son pays, entouré d’une communauté internationale perplexe quant à l’issue de cette guerre d’usure. La réunion entre ces deux dirigeants, issus de deux milieux extrêmement différents à plus d’un titre, a sans doute été l’occasion d’aborder les alternatives pour mettre un terme au conflit, le pape François étant un homme de paix.

Le président Zelensky s’est vu contraint à la guerre. Il est incertain si un dialogue s’établira entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe russe, compte tenu de leurs rôles historiques dans l’édification de la paix et du bien-être collectif. Quelle place pour les Églises orthodoxes, catholiques et protestantes d’Ukraine dans cette démarche ? Ces éléments supposent une intersection entre la géopolitique et le religieux afin de proposer des solutions pour mettre un terme à l’agression, affirmer l’identité et la souveraineté de l’Ukraine, et inciter la Russie à retrouver son bon sens. L’Eurasie incarne une vision noble, qui s’est toutefois muée en une idéologie belliqueuse sous un couvert religieux. C’est là un péché capital.

(*) Directeur Exécutif du Civic Influence Hub – (CIH) / Expert en Politiques Publiques.