Suppléer au lieu de remplacer. La nouvelle doctrine des forces française au Sahel pourrait ainsi être résumée en ces termes. Un changement de stratégie depuis l’arrivée au pouvoir, au Mali et au Burkina Faso, de putschistes anti-français séduits par les sirènes de Wagner. Depuis, les anciens de l’opération Barkhane ont renforcé une discrète coopération avec le Niger voisin. Une opération qui porte déjà ses fruits.

Un changement de paradigme nécessaire après le départ du Mali des militaires français de l’opération Barkhane, sous la pression d’une junte hostile qui a fait appel aux mercenaires russes de Wagner, quoiqu’elle s’en défende.

Le Burkina Faso voisin, également dirigé par des militaires putschistes, a quant à lui exigé en janvier le retrait des forces spéciales françaises de son territoire et se trouve dans le viseur de Wagner.

Des militaires français installent une bombe guidée laser (BGL) sur un drone Reaper de fabrication américaine, sur la base BAP de Niamey.

Pour moins prêter le flanc aux critiques contre la présence militaire en Afrique de l’ex-puissance coloniale, le président Emmanuel Macron a ordonné une action collant strictement aux demandes spécifiques des pays concernés et restant à bas bruit.

Une consigne respectée à la lettre au Niger, qui accepte en retour 1.500 militaires français sur son sol pour faire monter en puissance ses armées, alors que le groupe Etat islamique au Sahara (EIS) a regagné du poil de la bête à la frontière malo-nigérienne.

L’après-Barkhane

Rester en deuxième ligne demande toutefois une " débarkhanisation des esprits ", glisse un officier français, rappelant qu’une génération entière de soldats a traqué les groupes jihadistes pendant une décennie dans les sables sahéliens, dans des conditions bien plus autonomes qu’aujourd’hui.

Engagées dans une montée en puissance de leurs forces armées (FAN), qui doivent atteindre 50.000 hommes en 2025 puis 100.000 en 2030, le Niger semble satisfait.

Alors qu’auparavant le Niger servait essentiellement de base de transit pour les opérations au Mali, les Français y ont renforcé leur présence et détaché des centaines d’hommes dans le sud-ouest du pays, près de la frontière malienne.

Un Mirage 2000 de l’Armée de l’Air et de l’Espace avant son départ pour une mission de surveillance et de contrôle.

L’opération franco-nigérienne Almahaou, dans la région de Tillaberi, a déjà produit des effets positifs, fait valoir le colonel Grégoire Servent, commandant de la base aérienne projetée (BAP) française de Niamey.

Au Mali, malgré d’indéniables victoires tactiques françaises contre les groupes armés, le pouvoir politique n’est jamais parvenu à réimplanter son autorité dans les zones semi-désertiques ratissées par Barkhane. Et l’armée nationale (FAMa) est restée fragile, malgré les efforts pour l’aguerrir depuis des années.

Désormais, les domaines de coopération s’étendent au domaine aérien, au gré des besoins nigériens. " La BAP, à l’époque de Barkhane, avait beaucoup moins d’interactions avec les Nigériens. Une bascule s’est vraiment opérée avec le retrait du Mali ", constate l’adjoint au partenariat de combat, le lieutenant colonel Fabien.

Drones et avions de chasse français décollent quotidiennement de Niamey pour appuyer les opérations nigériennes au sol. Et un séminaire a récemment réuni Français et Nigériens sur l’usage de leurs drones respectifs, Reaper américain pour les premiers, Bayraktar turc pour les autres.

Malo Pinatel, avec AFP