C’est une première en France dans le domaine de la santé: la justice a déclaré mercredi " recevable " une action de groupe contre Sanofi, concluant que le laboratoire n’avait pas respecté " son obligation de vigilance " sur les risques du médicament Dépakine.

Le groupe français " a commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d’information " sur les risques de malformations et de retard de développement des enfants en cas de prise de Dépakine pendant la grossesse, estime le tribunal judiciaire de Paris dans son jugement.Le tribunal a par ailleurs jugé " recevable " l’action de groupe présentée par l’association de victimes de la Dépakine contre le laboratoire, première étape vers leur possible indemnisation.

Sanofi ayant annoncé son intention de faire appel, il faudra toutefois attendre la confirmation ou l’infirmation de cette décision pour que l’action de groupe puisse effectivement s’ouvrir.

Le valproate de sodium (principe actif de la Dépakine), utilisé dans le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires, augmente le risque de malformations physiques (absence de fermeture de la colonne vertébrale, anomalies cardiovasculaires…) et de troubles neuro-développementaux (retard de langage, troubles du spectre de l’autisme…) chez les enfants exposés dans le ventre de leur mère.

L’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac), à l’origine de l’action de groupe, soutient que Sanofi, comme les autorités sanitaires, ont trop tardé à informer de ces risques.

Dans son jugement, le tribunal fixe entre 1984 et 2006 la période de temps durant laquelle le risque de malformations congénitales n’a pas suffisamment été pris en compte. Pour les troubles neuro-développementaux, qui ont mis plus de temps à être reconnus, il réduit cette période à 2001-2006.

Compte tenu des informations scientifiques disponibles à l’époque, le tribunal estime aussi que Sanofi " a produit et commercialisé un produit défectueux entre le 22 mai 1998 et janvier 2006 pour les malformations congénitales, et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles neuro-développementaux ".

" C’est un immense soulagement que le tribunal judiciaire de Paris reconnaisse la faute du laboratoire Sanofi ", a réagi auprès de l’AFP Charles Joseph-Oudin, avocat de l’Apesac, saluant " la portée symbolique (du jugement) pour les victimes ".

Les " dates retenues " par le tribunal " sont trop restrictives et ne sont pas conformes aux données de la science ", a-t-il toutefois ajouté, précisant qu’il allait " étudier " avec l’Apesac l’opportunité de faire appel.

L’association estime en effet que le risque de troubles du développement était connu avant 2001 et que le manque d’information a persisté au-delà de 2006, date à laquelle le médicament est devenu " déconseillé " pendant la grossesse.

Les conditions de prescription ont continué à être restreintes par la suite, jusqu’à une contre-indication totale chez les femmes en âge de procréer en juin 2018, sauf dans des situations exceptionnelles où les autres traitements ne sont pas efficaces.

De son côté, Sanofi a considéré que le jugement n’était " pas en adéquation avec les premières décisions de justice qui, soit ne retiennent pas la responsabilité du laboratoire, soit constatent que la responsabilité prépondérante repose sur d’autres acteurs du système de santé ", comme l’Agence du médicament (ANSM).

Dans sa réaction transmise à l’AFP, le laboratoire a assuré avoir " toujours été transparent, en alertant les autorités de santé et en sollicitant à plusieurs reprises des modifications des documents d’information de la Dépakine ".

Le valproate de sodium est commercialisé depuis 1967 sous les marques Dépakine (pour les épileptiques), Dépakote et Dépamide (pour les bipolaires) et sous des marques génériques.

Selon des estimations de l’Assurance maladie et de l’ANSM, cette molécule serait responsable de malformations chez 2.150 à 4.100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16.600 à 30.400 enfants.

Sanofi a parallèlement été mis en examen en 2020 pour " homicides involontaires " dans la partie pénale du dossier.

Autorisée en France depuis 2014 dans le domaine de la consommation, l’action de groupe a été élargie en 2016 aux produits de santé, pour permettre à des patients victimes d’accidents liés à leur traitement de se regrouper dans une seule procédure pour demander réparation devant les tribunaux.

AFP

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