Le Premier ministre russe a annoncé, mardi 30 mai, que Moscou a distribué 1,5 million de passeports dans les territoires ukrainiens occupés. Cette mesure vise à altérer le tissu social et faire disparaître l’identité ukrainienne dans ces derniers.

La Russie a distribué 1,5 million de passeports aux habitants des régions qu’elle occupe en Ukraine, a annoncé mardi le Premier ministre Mikhaïl Michoustine, un moyen pour Moscou de renforcer son emprise sur ces territoires.

 

Dans sa localité occupée par Moscou en Ukraine, Viktoria a subi des pressions pour se doter d’un passeport russe, un moyen employé par la Russie pour renforcer son emprise, mais aussi d’effacer l’identité ukrainienne.

Selon cette femme de 43 ans, qui préfère taire son nom de famille, un jour, dans son village situé dans l’est du pays, des soldats de l’armée d’occupation l’ont mise en garde sur la nécessité d’avoir des papiers d’identité russes.

Des rumeurs faisaient aussi état alors de tournées de porte-à-porte pouvant finir en déportation pour ceux n’ayant pas de papiers russes.

" Je ne voulais absolument pas le faire ", explique Viktoria, qui voulait rester " une citoyenne de l’Ukraine ".

Mais lorsqu’elle a voulu enregistrer auprès de l’administration une maison et une voiture, les autorités d’occupation ont exigé des papiers russes.

Viktoria a donc commencé à faire traduire ses certificats de mariage et de naissance ukrainiens. Mais la procédure est restée inachevée, car elle a finalement fui côté ukrainien en janvier.

Cette tactique des Russes n’est pas nouvelle: la Russie distribue depuis des années des passeports aux Ukrainiens russophones de l’Est, dans les zones contrôlées par les séparatistes prorusses, ainsi qu’en Crimée annexée. Elle en a fait de même dans les territoires séparatistes en Géorgie ou en Moldavie.

– Faire la queue la nuit –
Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, cette campagne est devenue cependant plus agressive, et plus encore après que Moscou a revendiqué en septembre l’annexion de quatre régions qu’elle occupe partiellement dans l’est et le sud.

Selon des experts et des habitants interrogés par l’AFP, des procédures de routine telles que le versement des allocations, l’obtention ou le maintien d’un emploi ou l’accès à des traitements médicaux est conditionné à des documents délivrés par la Russie.

En avril, Vladimir Poutine a même signé un décret prévoyant que les Ukrainiens des zones occupées qui refusent la nationalité russe seront traités à compter du 1er juillet 2024 comme des étrangers devant obtenir un permis de séjour, sous peine d’être expulsés.

Aliona, 40 ans, vit dans une zone occupée de l’Est et ne souhaite pas pas donner son nom de famille. Jointe par l’AFP, elle raconte les " files d’attentes devant les bureaux de remise des passeports ".

" Mes amis y sont allés récemment et à 8 heures du matin, 48 personnes attendaient déjà l’ouverture du bureau des passeports. Les gens commencent à faire la queue la nuit ", raconte cette femme.

Aliona avait déjà obtenu un passeport de la " république " séparatiste de Donetsk, qui ne lui avait guère servi pendant trois ans.

" Maintenant, il faut un passeport russe pour tout ", ajoute cette vendeuse dans un magasin.

Fin novembre, Moscou avait avancé le chiffre de 80.000 passeports délivrés depuis fin septembre dans les quatre zones dont elle revendique l’annexion.

– " Sous la menace " –
Selon le gouverneur de la région en grande partie occupée de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, l’arme des passeports est utilisée par Moscou pour justifier sa mission autoproclamée de protection des Russes d’Ukraine.

" Une personne forcée de prendre un passeport russe et une personne l’ayant obtenu volontairement sont des situations différentes ", ajoute-t-il.

Les ONG soulignent elles que l’obtention de papiers russes est une stratégie de survie pour les populations concernées.

" Nous savons que la grande majorité de ces personnes ont reçu ces documents sous la menace ", assène Mykhaïlo Fomenko, avocat du groupe d’aide Donbass SOS.

" Ils veulent effacer l’identité ukrainienne ", abonde Alena Lounova, de l’association ukrainienne de défense des droits humains Zmina.

" Lorsque tout sera terminé, ces passeports seront retirés de nos vies et oubliés ", veut croire M. Fomenko.

Dans tous les cas, les informations biométriques, personnelles et familiales des titulaires restera en possession de la Russie, une aubaine pour ses forces de sécurité.

Ces informations serviraient également de liste pour enrôler des hommes dans l’effort de guerre de la Russie.

L’Union européenne a déclaré qu’elle ne reconnaîtrait pas les passeports russes délivrés dans les régions d’Ukraine occupées par Moscou.

Une décision similaire à celle concernant les passeports russes délivrés par Moscou dans les deux régions séparatistes prorusses de Géorgie.

jmm/bur/sba

© Agence France-Presse

 

 

 

 

 

 

 

La Russie distribuait déjà depuis des années des passeports russes aux habitants des régions d’Ukraine contrôlées par des séparatistes prorusses dans l’Est, ainsi qu’en Crimée. Elle en a fait de même dans les territoires séparatistes en Géorgie ou en Moldavie.

Les autorités ukrainiennes accusent Moscou d’utiliser ces distributions de passeports pour justifier sa mission autoproclamée de protection des russophones d’Ukraine.

L’Union européenne a déclaré qu’elle ne reconnaîtrait pas les passeports russes délivrés dans les régions d’Ukraine occupées par Moscou.

Malo Pinatel, avec AFP