Le Canada a gelé sa participation à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, accusée de servir les intérêts de la Chine. Ce dossier constitue un nouveau point d’achoppement entre les deux pays. Dans ce cadre, retour sur les principaux dossiers à l’origine des tensions Canada-Chine.

Un ex-responsable de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures a accusé jeudi le Parti communiste chinois d’exercer une influence " excessive " sur l’institution qui sert selon lui " les intérêts " de Pékin, ce qui a poussé le Canada à geler sa coopération avec l’organisation.

Bob Pickard, ancien responsable de la communication de la BAAI (AIIB en anglais) affirme que la banque a orienté ses prêts principalement vers les pays concernés par l’initiative chinoise des " Nouvelles routes de la soie ", également connue sous le nom " La Ceinture et la Route ".

Le siège de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures BAAI (AIIB en anglais), à Pékin.

Installée à Pékin, la banque vise à financer des projets d’infrastructures en Asie. Elle a été créée en 2016 dans l’optique de contrecarrer l’influence des Occidentaux au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale.

La ministre canadienne des Finances, Chrystia Freeland, a annoncé qu’Ottawa " cessera immédiatement toutes ses activités au sein de la Banque ", après la démission de Pickard.

Depuis plusieurs années, les relations sino-canadiennes sont tendues, notamment depuis la crise Huawei et l’arrestation en 2018 de Meng Wanzhou, la directrice financière du groupe, suivie de l’incarcération en Chine de deux citoyens canadiens.

De nouveaux pics de tensions sont survenus récemment après les révélations concernant la présence de postes de police chinois clandestins sur le sol canadien et les allégations d’ingérence chinoise dans des élections canadiennes.

Passage en revue des contentieux qui empoisonnent les relations entre Ottawa et Pékin:

Arrestation de Meng Wanzhou

Les relations entre Pékin et Ottawa ont commencé à se détériorer avec l’arrestation fin 2018 par le Canada, sur demande américaine, de Meng Wanzhou, la directrice financière du géant privé chinois des télécoms Huawei.

Après trois ans d’assignation à résidence à Vancouver, Meng Wanzhou, fille du fondateur du groupe Huawei, a finalement retrouvé la liberté fin 2021, et échappé à une extradition vers les Etats-Unis qui voulaient la juger pour fraude bancaire, en application des sanctions imposées à l’Iran.

Mme Meng a depuis pris la présidence tournante de Huawei.

Les deux Michael

Quelques jours après l’arrestation de Meng Wanzhou, deux Canadiens, Michael Spavor, un homme d’affaires, et l’ex-diplomate Michael Kovrig, étaient arrêtés en Chine, une mesure alors largement perçue comme des représailles.

Mme Meng et les deux Canadiens n’ont regagné leurs pays respectifs qu’après la conclusion d’un accord entre la justice américaine et la responsable de Huawei, dans lequel elle a reconnu avoir fait de " fausses déclarations ". Les deux Canadiens auront passé plus de 1.000 jours en détention.

La justice américaine a définitivement refermé les poursuites contre Meng Wanzhou en décembre 2022.

Traitement des Ouïghours

Les critiques de plus en plus affirmées d’Ottawa contre les violations présumées des droits de l’homme par la Chine ont contribué à dégrader un peu plus les relations entre les deux pays.

En 2021, les députés canadiens ont adopté une motion assimilant le traitement réservé par la Chine à sa minorité ouïghoure dans le cadre de sa lutte anti-terroriste à " un génocide ". Pékin a qualifié cette initiative de " provocation malveillante ".

En février, le Parlement canadien a également voté en faveur d’une motion visant à accueillir 10.000 réfugiés ouïghours qui ont fui la Chine et continuent d’être " intimidés " par Pékin.

Bataille de la tech

En mai 2022, le gouvernement canadien a annoncé qu’il allait bannir les géants chinois des télécommunications Huawei et ZTE du déploiement de son réseau 5G.

Huawei avait déploré une " décision politique regrettable " qui ne pouvait pas être justifiée par des " raisons de cybersécurité ".

En février, le Canada a rejoint les Etats-Unis et la Commission européenne en interdisant l’application TikTok des appareils mobiles qu’il fournit à son personnel.

Brouille Xi-Trudeau

Le climat de défiance entre les deux pays a éclaté au grand jour en novembre 2022 lors d’une brouille entre le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le président chinois Xi Jinping lors d’un sommet du G20 en Indonésie.

Des images prises par des reporters montraient M. Xi réprimander M. Trudeau, de façon cordiale mais ferme, après la fuite supposée dans la presse de détails d’un entretien la veille entre les deux hommes.

Le Premier ministre canadien disait avoir évoqué lors de cette rencontre " la question de l’ingérence " présumée de la Chine dans ses systèmes démocratique et judiciaire.

Diplomates expulsés

Les relations n’ont cessé de s’envenimer depuis.

M. Trudeau a nommé en mars un ancien gouverneur général pour enquêter sur les allégations d’ingérence chinoise dans les deux dernières élections fédérales.

En mai, le quotidien canadien Globe and Mail publiait un article estimant que le gouvernement avait fermé les yeux sur l’ingérence de Pékin dans les affaires canadiennes.

Le député canadien conservateur Michael Chong et sa famille auraient ainsi subi des pressions chinoises en raison des critiques du parlementaire envers Pékin – notamment sur la question des Ouïghours.

En représailles, Ottawa avait expulsé dans la foulée le diplomate chinois Zhao Wei, soupçonné d’être au coeur des tentatives d’intimidations. La Chine avait répliqué en faisant de même avec la consule du Canada à Shanghai, Jennifer Lynn.

Influence

Un ex-responsable canadien de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), basée à Pékin et créée à l’initiative de la Chine, accuse la structure de servir les intérêts chinois et d’être dominée par des membres du Parti communiste chinois (PCC).

La ministre canadienne des Finances, Chrystia Freeland, annonce qu’Ottawa " cessera immédiatement toutes ses activités au sein de la Banque ".

Malo Pinatel, avec AFP