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Le célèbre discours perdu du 18 juin 1940 a longtemps fait l’objet d’attributions erronées qui ne lui correspondent pas. La prouesse de la recherche ainsi que les exploits de l’intelligence artificielle ont pu reconstituer l’appel avec la voix du général de Gaulle.
Le mois de juin porteur de grands événements ne passe pas sans le souvenir d’un discours qui ne cesse de vibrer dans la mémoire collective. En juin 1940, le général Charles de Gaulle lançait depuis son refuge à Londres un appel à la résistance sur les ondes de la BBC qui sera retenu comme étant l’appel du 18 Juin.
Mais malgré le souvenir qu’il incarne, nombreux sont ceux qui ignorent que cet Appel n’a jamais été enregistré. Ni la voix du général, ni le texte qu’il a lu ne sont conservés ; chose qui a permis de développer toute une symbolique autour de ce moment historique qui a permis à un peuple entier de tenir tête à l’occupation nazie malgré les menaces que cela représentait. Au XXIème siècle, des chercheurs ont pu reconstituer ce discours grâce à l’intelligence artificielle et à une enquête méticuleuse.
Contexte historique
L’invasion de la France par l’Allemagne nazie commencée le 10 mai 1940 se termine le 22 juin de la même année avec la signature du traité d’armistice par le maréchal Philippe Pétain. En un peu plus d’un mois seulement, l’armée de Hitler, soutenue par celle de Mussolini, aura raison des forces françaises. Avec la percée allemande sur l’Hexagone, Paris est déclarée ville ouverte le 14 juin et le maréchal Philippe Pétain fait cesser les combats en lançant, le 17 juin, un appel à travers la radio dans lequel il se proclame chef du gouvernement français.
Le gouvernement vaincu comprenant le général de Gaulle, alors secrétaire d’État à la Défense et à la Guerre, s’exile à Londres le jour même. L’armistice sera signé le 22 juin entre le maréchal Pétain et le général allemand Wilhem Keitel dans la forêt de Compiègne.
L’appel du 18 Juin
Sur un bâtiment de Londres, on aperçoit un drapeau français flotter sur une fenêtre. Il s’agit du nouveau quartier général de la France libre, situé au 4 Carlton Gardens. C’est de cet endroit que le général exilé dirigera son mouvement de résistance. Mais un discours fondateur sera la base de ce mouvement qui s’opposera à l’armistice de Pétain et qui incitera les Français à réagir et à ne pas s’incliner face au poids de l’occupation nazie.
Le 18 juin 1940, au lendemain de son arrivée à Londres, le général de Gaulle se met face au micro de la BBC à 22h pour s’adresser aux Français en lançant son appel dont les termes sont encore repris aujourd’hui: "Quoi qu’il arrive, la Flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas".
Mais les ingénieurs de la BBC ne pouvaient pas mesurer l’importance de ce discours, car au moment où il a été prononcé, De Gaulle n’avait pas encore la valeur symbolique que le monde lui connaît aujourd’hui: le discours n’a pas été enregistré, suscitant la colère du leader de la France libre, comme le rapporte le site officiel de la BBC. Le général demanda une nouvelle prise de parole le 22 juin à travers le même média. Ce nouveau discours, enregistré cette fois-ci, a été retenu comme étant celui du 18 Juin, provoquant la confusion historique.
En France, le discours original trouve peu d’écho. Et pour cause: le manque de notoriété du général et la restriction allemande entravant l’accès à la radio d’un pays ennemi. L’appel du 18 Juin est donc voué à l’oubli et fait l’objet de nombreuses fabulations autour de sa teneur tout au long des années qui suivront.
Le voyage de l’IA pour reconstituer le discours
Aujourd’hui, avec l’avènement de l’intelligence artificielle et des résultats édifiants qu’elle apporte, la promesse de reconstituer certains événements enfouis sous la poussière du temps émerge sérieusement et affiche des résultats prometteurs. Des chercheurs du journal Le Monde et de l’Ircam (l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique) se sont lancés en 2023 dans le défi de reconstituer l’appel authentique du 18 Juin. Une vraie chasse au trésor se répartissant en deux étapes: la première étant de reconstituer la voix du général, la seconde étant de trouver le texte original du discours.
Pour reconstruire la tonalité vocale du général De Gaulle, la présence de deux éléments était nécessaire: des extraits de voix du général et un comédien pour prononcer le discours. Le comédien auquel les chercheurs ont fait appel est François Morel. Plusieurs enregistrements de discours du général prononcés devant le micro de la BBC ont également été utilisés pour l’expérience.
Le dernier obstacle à la reconstitution de l’appel du 18 Juin était celui de trouver le texte original de l’Appel. Aucun journal français ni aucun autre média n’avait conservé une transcription authentique de l’Appel; il fallait donc retrouver une version originale. Un internaute du nom de Christian Rosset qui avait effectué des recherches dans les archives fédérales suisses avait publié le texte original sur internet. Un service de transcription militaire basé en Suisse avait retranscrit le discours en allemand le jour même de sa prononciation et l’avait conservé. Après des études sur le texte par des historiens, il a été retraduit en français. Les deux éléments nécessaires à la reproduction du discours étaient prêts à être utilisés.
L’acteur François Morel pouvait enfin lire avec sa propre voix le discours avec l’intonation du général qu’il a pu entendre dans les autres enregistrements. L’intelligence artificielle n’avait plus qu’à analyser les deux voix par la technique du " voice cloning " et habiller celle de M. Morel avec celle de De Gaulle.
Le résultat de l’expérience a été publié sur le site du quotidien Le Monde.
Encore une fois, le génie humain a prouvé que ses limites n’ont pas encore été atteintes: reproduire de lointains épisodes perdus ou mal conservés est possible. Avec la reconstitution de ce discours historique, les spécialistes ont effectué un vrai fact checking et ont pu retrouver une pièce du puzzle de l’Histoire, écartant ainsi toute interprétation hasardeuse. Nous pouvons maintenant écouter un discours du passé grâce à une technologie du présent sans laquelle il serait tombé dans l’oubli.
