Depuis son indépendance en 1956, le Soudan a été le théâtre de nombreuses guerres ayant rendu le pays exsangue. À l’aune de plus de deux mois d’affrontements entre les forces du général Abdel Fattah al-Burhane et celles de son ancien allié Mohamed Hamdane Daglo, retour sur un demi-siècle d’histoire tragique, de Khartoum au Darfour en passant par l’indépendance du Sud.

 

Depuis son indépendance en 1956, le Soudan, théâtre depuis le 15 avril de violents affrontements entre les forces rivales du général Abdel Fattah al-Burhane et celles de Mohamed Hamdane Daglo, a connu des décennies de guerres civiles et de rébellions meurtrières, ayant entraîné d’importantes conséquences économiques et humanitaires. Retour sur ces conflits qui ont secoué le pays jusqu’à nos jours.

Un pays fracturé entre le nord et le sud

Une première guerre civile remonte à 1955, lorsque éclate la mutinerie de Torit, ville du Sud, plusieurs mois avant l’indépendance du pays (1er janvier 1956), jusqu’alors condominium anglo-égyptien. À l’époque, les rebelles du Sud, à majorité chrétienne et animiste, craignaient de tomber sous un autre joug, celui du Nord arabo-musulman, en cas d’indépendance du Soudan uni.

Après l’accession au pouvoir, via un coup d’État, de Gaafar Nimeiry, des accords signés en 1972 mettent fin à 17 ans de conflit, octroyant au Sud un statut d’autonomie. Selon les estimations, environ 500 000 personnes sont mortes pendant cette première guerre civile Nord-Sud.

La dissolution du gouvernement semi-autonome du Sud en 1983 par le pouvoir de Nimeiry, qui instaure en septembre la charia (loi islamique) dans tout le pays, replonge le Nord et le Sud dans une nouvelle guerre civile qui fera deux millions de morts.

En 1989, Omar el-Béchir prend la direction du Soudan, après un coup d’Etat militaire soutenu par les islamistes. Celui-ci offre l’asile au fondateur d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, jusqu’en 1996. En réaction, Washington inscrit le Soudan sur sa liste noire des Etats soutenant le terrorisme. Il ne le retirera qu’en 2020, après la chute d’el-Béchir.

La guerre prend fin en 2005 avec la signature d’un accord de paix qui accorde au Sud une autonomie.

Conflit au Darfour (2003-2020)

A partir de 2003, la région du Darfour (ouest du Soudan) est secouée par un conflit opposant les forces soudanaises à des rebelles de minorités ethniques regroupés au sein du Front de Libération du Darfour (DLF). Pour y faire face, le gouvernement lance des milices issues de tribus arabes, les Janjaweed, qui vont terroriser les populations locales. Ces milices seront ensuites intégrées à l’État sous le nom de Forces de Soutien Rapides (FSR), sous le commandement du général Mohamed Hamdane Daglo.

La guerre du Darfour provoque plus de 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés, essentiellement les premières années, selon l’ONU.

En 2009-2010, la Cour pénale internationale (CPI) lance deux mandats d’arrêt contre le président Omar el-Béchir, accusé de " crimes de guerre " et " crimes contre l’humanité ", puis de " génocide " au Darfour. Renversé par la rue et l’armée en 2019 et arrêté, il n’a toujours pas été remis à la CPI.

Le 31 août 2020, le gouvernement et la majorité des groupes rebelles paraphent un accord de paix, signé début octobre à Juba, capitale du Soudan du Sud.

La région a, depuis, été régulièrement le théâtre de violences tribales.

Le sud se désagrège

À l’issue d’un référendum en 2011, le Soudan du Sud proclame son indépendance le 9 juillet. Néanmoins, au printemps 2012, les relations entre Nord et Sud s’enveniment dans des zones frontalières riches en pétrole. Des combats opposent alors les deux armées.

À l’intérieur du pays, la situation se dégrade rapidement. En 2013, de violents affrontements éclatent dans Juba, entre les groupes armés se partageant le pouvoir, sur fond de tensions ethniques. La guerre qui s’ensuit provoque le déplacement de quatre millions de personnes.

En 2020, un cessez-le-feu est conclu entre les principaux belligérants à Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie.

Déchirement d’alliances

À la chute d’el-Béchir succède un gouvernement de transition géré conjointement par les militaires, avec à leur tête le général Abdel Fattah al-Burhane, et une partie civile, dont le Premier ministre Abdallah Hamdok. Le premier renverse le second en octobre 2021 et prend les rênes du pays, avec l’aide du général Daglo.

Ce dernier se retourne contre son allié en avril 2023, ce qui a pour conséquence de faire dégénérer la situation non seulement à Khartoum, mais aussi au Darfour.

Malo Pinatel, avec AFP