Il a laissé les clefs dans son bureau et de l’argent sur le compte: l’ambassadeur afghan à Pékin publie lundi sur Twitter son étonnante lettre de démission après six mois sans voir reçu un sou des nouveaux maîtres talibans à Kaboul.

Javid Ahmad Qaem précise qu’un employé recruté localement s’est vu confier la responsabilité de répondre aux appels après le départ de tous les diplomates. Lui-même ne donne aucune indication sur sa destination.La lettre, datée du 1er janvier, dresse le portrait d’une ambassade fonctionnant à grand peine. M. Qaem a dû puiser dans le compte bancaire de l’ambassade pour payer le personnel après la prise du pouvoir par les talibans dans son pays à la mi-août. "Puisque que nous n’avions reçu aucun salaire de Kaboul durant les six derniers mois, nous avions constitué une commission avec les diplomates pour résoudre les questions financières ", explique-t-il dans sa lettre adressée au ministère afghan des Affaires étrangères.

Son successeur trouvera quand même de l’argent sur le compte. " A la date d’aujourd’hui, 1er janvier 2022, il y a encore environ 100.000 dollars sur le compte " soit environ 88.000 euros, écrit-il, précisant avoir laissé les clefs des cinq voitures de l’ambassade dans son bureau.

" Je pense que lorsque la nouvelle personne nommée, M. Sadaat, arrivera à Pékin il ne restera plus aucun diplomate " dans la mission, ajoute-t-il dans un autre tweet, précisant que la Chine avait été " dûment informée ".

Il n’a pas été possible de savoir où se trouvait actuellement son successeur ni qui l’avait nommé. Aucun commentaire n’était immédiatement disponible auprès des responsables talibans à Kaboul.

L’ambassade afghane à Pékin paraissait lundi après-midi ouverte comme à l’accoutumée, avec le drapeau tricolore afghan levé et deux gardes de sécurité à l’extérieur.

M. Qaem, qui occupait le poste d’ambassadeur à Pékin depuis novembre 2019, avait exprimé ses inquiétudes envers les talibans dans des entretiens publiés dans des médias peu après l’accueil par la Chine d’une délégation talibane en juillet quelques semaines avant le retour au pouvoir des islamistes à Kaboul.

L’Afghanistan, où le chômage et l’inflation grimpent en flèche, est dorénavant plongé dans un chaos financier. La Chine a fourni des millions de dollars d’aide au pays depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau régime.

Nombre d’ambassades afghanes dans le monde se trouvent dans une situation inconfortable, dirigées par des diplomates loyaux à l’ancien gouvernement pro-occidental renversé par les talibans qui n’ont la plupart du temps pas nommé de nouveaux représentants dans ces missions alors que leur gouvernement n’est reconnu officiellement par aucun pays.

En Italie la semaine dernière, la police a été appelée pour intervenir à l’ambassade d’Afghanistan à Rome où un diplomate nommé par l’ancien gouvernement mais récemment licencié, Mohammad Fahim Kashaf, était revenu en affirmant avoir été nommé par les talibans. Il avait, selon un communiqué de l’ambassade, agressé l’ambassadeur en poste.

Le ministère afghan des Affaires étrangères à Kaboul a démenti que M. Kashaf ait été nommé ambassadeur, mais aussi qu’il ait été licencié.

La situation particulière de l’Afghanistan a également causé des problèmes à l’ONU, où des représentants de l’ancien et du nouveau régime revendiquent le siège de l’Afghanistan. L’an dernier, le conseil de sécurité de l’ONU a reporté indéfiniment toute décision à ce sujet.

AFP

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