Le déplacement est symboliquement chargé et politiquement très risqué: Joe Biden va promettre en Géorgie de tout faire pour réformer le droit électoral américain, de manière à protéger l’accès des minorités et en particulier des Afro-américains aux urnes.

Pour cela, le président devrait apporter officiellement son soutien à une manœuvre controversée, qui permettrait de faire sauter le verrou de l’opposition républicaine au Sénat, a fait savoir un haut responsable de la Maison Blanche. "Je ne cèderai pas. Je ne tremblerai pas. Je défendrai votre droit à voter et notre démocratie contre les ennemis intérieurs et extérieur ", va lancer le démocrate de 79 ans à son auditoire, selon un extrait de son discours communiqué à l’avance.

Joe Biden, poursuivant sur sa lancée après un vibrant plaidoyer pour la démocratie la semaine dernière au Capitole, a choisi la Géorgie, Etat du sud emblématique de la lutte pour les droits civiques d’hier et des déchirements politiques d’aujourd’hui, afin de défendre une vaste réforme des " voting rights ".

Il s’agit de légiférer sur les conditions dans lesquelles le droit de vote s’exerce, depuis l’inscription sur les registres électoraux jusqu’au décompte des voix, en passant par le vote par correspondance ou la vérification d’identité des électeurs.

Autant de critères que nombre d’Etats conservateurs du Sud ont entrepris de modifier, avec pour effet de compliquer, en pratique, l’accès aux urnes des Afro-américains et des minorités en général.

Pour les contrer, Joe Biden veut que le parlement pose un cadre législatif fédéral. Deux lois, le " John Lewis Voting Rights Advancement Act " et le " Freedom to vote Act " doivent, selon lui, protéger les acquis de la lutte pour les droits civiques et contre la discrimination raciale, remontant aux années 1960.

Le président américain est " favorable à une modification des règles du Sénat afin d’assurer qu’il puisse à nouveau fonctionner ", a fait savoir le haut responsable de la Maison Blanche.

Derrière cette formulation énigmatique, c’est un pari politique important que fait Joe Biden.

L’ancien sénateur hésitait jusqu’ici à rompre un usage aussi profondément ancré que difficile à comprendre hors des Etats-Unis, connu dans le jargon parlementaire sous le nom de " règle du filibuster ".

Cette règle, pour simplifier, veut que le Sénat rassemble 60 voix pour mettre au vote les textes, à l’exception des lois budgétaires.

Mais Joe Biden est désormais favorable à ce que les démocrates, qui comptent aujourd’hui 51 sièges contre 50 pour les républicains, passent outre et votent à la majorité simple.

En faisant sauter cette règle des 60 voix, le président démocrate va faire hurler l’opposition conservatrice, mais risque aussi de bousculer des élus de son propre camp, attachés à cet usage censé favoriser le consensus et la modération.

Mais pour Joe Biden, dont l’agenda économique et social est enlisé, dont la cote de popularité est anémique, l’heure n’est plus à la modération face à un Donald Trump toujours tonitruant, qui continue de clamer contre toute évidence qu’il a gagné la dernière élection.

Les démocrates accusent les partisans de l’ancien président de modifier à leur avantage les règles électorales dans certains Etats qu’ils contrôlent.

La Géorgie a par exemple restreint l’exercice du vote par correspondance, ou interdit la distribution d’eau ou de repas aux électeurs qui attendent, parfois pendant des heures, de voter. L’Etat a aussi renforcé le contrôle des élus locaux – majoritairement conservateurs – sur les opérations de vote.

" C’est une insurrection à bas bruit, mais très, très pernicieuse ", selon Chuck Schumer, chef de file des sénateurs démocrates.

Même en soutenant un passage en force au Sénat, Joe Biden est encore loin d’avoir gagné la partie.

Il lui faut rallier tous les sénateurs démocrates sans exceptions, or Joe Manchin, qui a déjà bloqué un immense projet de réformes sociales progressistes du président, est réticent à le suivre sur les " voting rights ".

Joe Biden n’a pas beaucoup de temps pour le convaincre: les démocrates risquent de perdre leur mince majorité parlementaire à l’automne, lors des élections de mi- mandat.

AFP

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