Le rapprochement entre les États-Unis et l’Arabie saoudite sous-tend une possible normalisation des liens avec Israël, mais des défis persistants et la question palestinienne restent des obstacles à franchir.

De récentes visites médiatisées de responsables américains en Arabie Saoudite témoignent du réchauffement des relations entre les deux pays dans le cadre de discussions sur un accord potentiel qui verrait ce poids lourd arabe reconnaître Israël, estiment des analystes.

Moins d’un an après avoir mis en garde Ryad contre les " conséquences " de sa décision de réduire sa production de pétrole au sein de l’alliance Opep+ en vue de doper les cours du brut, le président américain, Joe Biden, a rapidement envoyé des collaborateurs de haut niveau rencontrer des membres de la famille royale saoudienne.

Le weekend dernier, son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, s’est rendu à Jeddah, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, pour une rencontre internationale sur l’Ukraine, sa troisième visite dans le royaume en quelques mois.

Si des thèmes comme le terrorisme ou le Yémen ont été abordés lors de réunions bilatérales, notamment lors d’une visite de trois jours du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken en juin, la perspective d’une normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël a été un point essentiel de l’ordre du jour, même si elle est encore considérée comme un objectif à long terme, relèvent des experts.

Les obstacles à la conclusion d’un accord restent cependant importants. Ryad négocierait âprement pour obtenir des avantages de la part des Américains, notamment des garanties de sécurité et une assistance pour un programme nucléaire civil doté d’une capacité d’enrichissement d’uranium.

De plus, les responsables saoudiens se sont engagés depuis longtemps à ne pas normaliser les relations avec Israël tant que le conflit avec les Palestiniens ne sera pas résolu.

La coordination entre Washington et Ryad est " meilleure maintenant qu’elle ne l’a été tout au long des deux dernières années ", observe Hesham Alghannam, de l’Université arabe Nayef pour les sciences de la sécurité à Ryad.

– Question palestinienne –

Les problèmes qui pèsent sur ces relations vieilles de plusieurs décennies sont bien connus, qu’il s’agisse des tensions sur les droits de l’homme ou des inquiétudes des Saoudiens quant à la fiabilité de Washington en tant que partenaire en matière de sécurité.

La coopération croissante avec Moscou et Pékin montre que Ryad ne se contente plus de placer " tous les œufs dans le panier américain ", observe M. Alghannam. Les Saoudiens se sont également appuyés sur la Chine pour négocier un rapprochement historique avec l’Iran annoncé en mars, ce que l’administration Biden n’aurait pas été en mesure de faire, Téhéran étant l’ennemi juré de Washington.

La récente vague de visites et les " discussions sérieuses " visant à améliorer la coopération sur les questions de sécurité entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis témoignent d’une " atmosphère bien meilleure entre les décideurs de haut niveau ", constate John Hannah, ancien haut fonctionnaire américain chargé de la politique étrangère, qui effectue des visites dans le royaume depuis trois décennies.

La nouvelle proximité américano-saoudienne n’est pas passée inaperçue, notamment parmi les responsables palestiniens qui espèrent que Ryad insistera sur la création d’un Etat palestinien indépendant.

Aux yeux de M. Alghannam, Ryad doit savoir si les Israéliens " s’activent pour que des progrès tangibles soient réalisés dans la résolution du conflit israélo-palestinien ". Et de conclure: " Ce n’est pas à l’Arabie saoudite mais à Israël qu’il incombe désormais de démontrer qu’il est prêt pour la paix avec le royaume ".

Pierre Daccache, avec AFP