Les rebelles Houthis du Yémen ont revendiqué une attaque meurtrière lundi à Abou Dhabi, la capitale des Emirats arabes unis, menaçant de frapper de nouveau le riche Etat du Golfe. Voici ce qu’il faut savoir du contexte dans lequel s’inscrivent ces attaques:

Que s’est-il passé ?

Trois personnes sont tuées et six autres blessées dans l’explosion de camions-citernes transportant du carburant à Abou Dhabi, près des réservoirs d’ADNOC, la compagnie pétrolière de l’émirat.

Un " incendie mineur " dans la nouvelle zone de construction de l’aéroport international d’Abou Dhabi ne fait en revanche pas de victimes.

Le ministère des Affaires étrangères menace de " riposter " à l’attaque des rebelles Houthis proches de l’Iran, poids lourd régional qui entretient des relations difficiles avec certains de ses voisins du Golfe, Arabie saoudite en tête.

À Sanaa, la capitale du Yémen contrôlée par les rebelles, le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Sari, revendique cette " opération militaire d’envergure réussie ".

" Peu de gens ont été surpris par l’attaque. Les Houthis ont répété à plusieurs reprises leurs menaces de frapper les Emirats et ils ont fini par les exécuter ", souligne à l’AFP Mohammed Al Basha, chercheur sur la péninsule arabique au centre de réflexion Navanti Group.

 

Pourquoi maintenant ?

Les Émirats arabes unis sont membres de la coalition militaire dirigée par leur allié saoudien qui intervient au Yémen depuis 2015 pour appuyer les forces progouvernementales contre les rebelles.

Les Houthis ont menacé à plusieurs reprises de s’en prendre aux Émirats qui ne partagent aucune frontière avec le Yémen, à la différence de l’Arabie saoudite.

En 2018, les rebelles revendiquent une attaque sur Abou Dhabi, jamais confirmée par les Émirats.

En 2019, le riche pays du Golfe " redéploie " ses forces au Yémen pour des raisons " stratégiques et tactiques ".

Mais il a récemment fait un retour en force dans un contexte de recrudescence des tensions au Yémen.

Le 3 janvier, les rebelles saisissent en mer Rouge le navire " Rwabee " battant pavillon des Émirats arabes unis et refusent toujours de le libérer.

Le 10 janvier, des forces loyalistes soutenues par les Émirats annoncent avoir pris aux rebelles toute la province pétrolifère de Chabwa, voisine de la région de Marib que les Houthis tentent d’arracher au gouvernement.

Également riche en pétrole, Marib est le dernier bastion gouvernemental dans le nord du Yémen, largement aux mains des rebelles.

" La bataille de Chabwa a changé l’équation du conflit au Yémen ", estime Maged al-Madhaji, directeur du Sana’a Center for Strategic Studies.

Les forces loyalistes ont réussi avec le soutien des Émirats, à " renverser l’avantage militaire ", qui était jusqu’ici plutôt du côté rebelle, souligne ce spécialiste.

Cette évolution sur le terrain " a suscité beaucoup de peur et d’inquiétude chez les Houthis, les poussant à envoyer ce message militaire en plein cœur des Émirats ".

Mais Elizabeth Kendall, chercheuse sur le Yémen à l’Université britannique d’Oxford, exclut une " réaction hâtive " des Émirats à l’attaque de lundi.

" Ils ont beaucoup investi au Yémen, notamment dans de nouvelles structures politiques et militaires dans le Sud ", explique la spécialiste à l’AFP pour qui un retrait des Émirats est à exclure.

Il est cependant aussi " peu probable " qu’ils " augmentent à nouveau leur présence militaire au Yémen ", a contrario de leur " stratégie de long terme ".

 

Comment les Houthis ont-ils fait ?

Les Houthis ont annoncé mardi qu’ils avaient utilisé des missiles de croisière Quds 2 visant la raffinerie de pétrole de Mousaffah et l’aéroport d’Abou Dhabi. Ils ont également affirmé avoir ciblé des infrastructures " sensibles " avec des drones Samad 3.

Dans une " enquête préliminaire ", la police d’Abou Dhabi a estimé que l’attaque avait " probablement " été commise avec des drones. Il s’agit de la première attaque meurtrière des Houthis sur le sol émirati.

Les rebelles possèdent un large éventail d’armes et d’équipements militaires, notamment des chars et des missiles balistiques, qu’ils ont saisis dans des réserves de l’armée yéménite après avoir pris le pouvoir par la force en 2014 à Sanaa. Les Houthis disent fabriquer les drones localement.

L’Arabie saoudite et les Etats-Unis reprochent à l’Iran de fournir des armes aux Houthis. Téhéran nie ces accusations, tout en affichant ouvertement son soutien politique aux rebelles.

AFP