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La scène politique britannique connaît actuellement une période d’intense agitation à bien des égards. Le récent remaniement ministériel opéré par le gouvernement conservateur dirigé par Rishi Sunak laisse transparaître une réalité électorale sombre, marquée par des sondages peu encourageants avec une avance de 20 points en faveur de l’opposition travailliste. Les dissensions internes au sein du Parti conservateur, mettant en relief les tensions entre l’aile centriste et l’extrême droite, ainsi que la gouvernance imprudente dont a hérité Rishi Sunak de son prédécesseur, constituent les principaux facteurs de cette turbulence politique. Cependant, le bilan économique du gouvernement Sunak présente des éléments encourageants, s’orientant résolument vers la voie du rétablissement économique.

Le remaniement ministériel orchestré par Rishi Sunak visait principalement à évincer la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, affiliée à l’aile d’extrême droite du parti. Elle avait posé des défis notables au gouvernement en exprimant publiquement et à plusieurs reprises son opposition à la politique du Premier ministre. L’éviction de Suella Braverman représente un défi considérable pour le gouvernement conservateur qui avait, dès sa formation, œuvré à instaurer une collaboration entre les différentes factions du parti, qu’elles soient modérées ou issues de l’extrême droite, dans le but de forger une union robuste face à l’opposition travailliste.

En remerciant Mme Braverman et en la remplaçant par une figure modérée, Rishi Sunak risque de compromettre la confiance d’une part significative de l’électorat conservateur. Ce geste pourrait inciter certains votants à remettre en question la légitimité de M. Sunak à la tête du parti, ouvrant ainsi la voie à des appels à son remplacement. Une telle instabilité politique, intervenue à quelques mois seulement des prochaines élections, pourrait engendrer un climat de chaos politique, avec des conséquences préoccupantes pour la cohésion et la performance électorale du Parti conservateur.

En tout état de cause, le départ de Suella Braverman et le remaniement du gouvernement constituent vraisemblablement la dernière carte de Rishi Sunak visant à redynamiser un mandat alourdi par de mauvais sondages.

Mme Braverman a été remplacée par James Cleverly, précédemment en charge des Affaires étrangères. Suscitant une réaction de stupéfaction générale, ce dernier a cédé sa place à personne d’autre que David Cameron, l’ancien Premier ministre ayant dirigé le pays de 2010 à 2016. Considéré comme une figure consensuelle et modérée, notamment en tant que conservateur anti-Brexit, sa nomination est interprétée par certains observateurs comme un revirement stratégique du gouvernement dans le sens d’une politique plus ancrée sur la droite modérée, en anticipation des élections législatives de 2024.

Les détracteurs du récent remaniement ministériel expriment un certain scepticisme à l’égard du choix de David Cameron. Perçu comme une figure emblématique de l’establishment politique, critiqué par les travaillistes pour son rôle présumé dans la trajectoire déclinante du pays, il a été choisi par Rishi Sunak qui a voulu privilégier son expérience politique, au détriment de l’émergence d’une nouvelle génération moins aguerrie. Les reproches adressés à Cameron portent particulièrement sur ses positions conciliantes envers la Chine, son intervention en Libye en 2011 et son incapacité à persuader les citoyens britanniques de demeurer au sein de l’Union européenne lors de son mandat de Premier ministre.

Par ailleurs, la politique économique pragmatique adoptée par le gouvernement de Rishi Sunak a été partiellement couronnée de succès, manifestant une amélioration économique significative sur la voie du redressement. En effet, l’inflation annuelle a enregistré une diminution notable, passant de 6,7% en septembre à 4,6% en octobre. Parallèlement, l’inflation sous-jacente – indicateur mesurant la hausse des prix en excluant les éléments volatils, tels que l’énergie et les produits alimentaires – a également connu un repli, atteignant 5,7% en octobre.

Cette évolution s’explique, d’une part, par la politique restrictive de la Banque d’Angleterre, caractérisée par l’élévation des taux d’intérêt, rendant les emprunts particulièrement coûteux, affectant ainsi la demande de biens divers, réduisant la masse monétaire et engendrant une baisse de l’inflation. D’autre part, Rishi Sunak a opté pour une approche pragmatique en réduisant les dépenses gouvernementales en comparaison avec ses prédécesseurs, dans le but de diminuer le déficit et prévenir une crise financière liée à la dette nationale (qu’allait engendrer son prédécesseur Liz Truss). Ces avancées témoignent d’une amélioration substantielle, plaçant l’économie britannique dans une bien meilleure position qu’il y a un an.

Cependant, l’objectif préétabli de la Banque d’Angleterre, fixé à 2% d’inflation, demeure hors d’atteinte. Les taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre semblent avoir atteint leur apogée, transférant ainsi la responsabilité au gouvernement. Dans ce contexte, le chancelier de l’Échiquier, Jérémy Hunt, a annoncé le 22 novembre des réductions fiscales, stimulant les investissements et, par conséquent, la demande, avec pour effet escompté une baisse de l’inflation.

Selon les projections émises par la Banque d’Angleterre, l’inflation devrait atteindre le seuil de 3,2% d’ici la fin de l’année 2024, avec une prévision de réduction à 2% à la clôture de l’année 2025. Bien qu’il soit intuitif de réduire rapidement l’inflation d’un niveau anormal (dans ce cas de 12% à 3%), le processus de transition de 3% à 2% devrait s’avérer plus graduel. La seule voie rapide envisageable pour y parvenir serait de persister dans l’augmentation des taux d’intérêt. Cependant, étant donné que ces derniers sont déjà à un niveau notable, leur élévation continue risquerait indubitablement de précipiter le pays dans une récession. Dans cette perspective, la charge de cette entreprise délicate repose entièrement sur le pragmatisme de Rishi Sunak et ses réformes fiscales qui semblent, jusqu’à présent, porter leurs fruits de manière satisfaisante.

En dépit de la politique économique pragmatique satisfaisante du gouvernement Sunak, les divisions internes au sein du Parti conservateur risquent malgré tout de porter préjudice à sa crédibilité électorale face à l’opposition travailliste. Il demeure indéniable que le Royaume-Uni a besoin aujourd’hui d’un Premier ministre doté d’une expertise économique approfondie, mais il convient de ne pas perdre de vue que cette même personne assume également le rôle de leader du Parti conservateur, chargé de le fédérer. Dans cette perspective, il serait judicieux de confier la direction du parti à une figure unificatrice, entourée de technocrates compétents, notamment au poste de chancelier de l’Échiquier. Dans ce contexte, l’option idéale pourrait être représentée par Boris Johnson, dont l’éloquence et le charisme indéniables le positionnent comme le plus apte à réunir ce parti marqué par des dissensions sans précédent. Toutefois, à l’aube des prochaines élections, un changement de leadership pourrait potentiellement engendrer un chaos politique et accentuer davantage le déclin des conservateurs dans les sondages. M. Sunak se trouve donc face à la nécessité de prendre ses responsabilités et d’œuvrer à l’unité de son parti afin d’éviter une victoire des travaillistes.

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