Mohammed Moustafa a été désigné par Mahmoud Abbas comme le nouveau Premier ministre palestinien, jeudi 14 mars. Derrière ce nom, se cache un économiste chevronné, dont la proximité avec le président palestinien pourrait néanmoins lui nuire.

Jeudi 14 mars, le nom du successeur du Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, démissionnaire depuis lundi 26 février, a été dévoilé. Son nom: Mohammed Moustafa, membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et économiste reconnu au sein de l’Autorité palestinienne.

Figure internationale en économie

Mohammed Moustafa naît dans la région de Tulkarem, en Cisjordanie. Il entame des études en ingénierie à l’université de Bagdad, puis obtient un doctorat en économie de l’université Georges Washington, aux États-Unis.

Celui qui est désormais docteur entame alors une carrière de 15 ans (1991-2005) à la Banque mondiale. Il y occupe plusieurs postes en lien avec la région du Moyen-Orient, dans des domaines tels que le développement du secteur privé, les infrastructures, l’industrie et l’énergie, le financement de projets et les technologies d’information et de communication.

En parallèle, M. Moustafa assume d’autres fonctions. Il devient notamment le premier président-directeur général de la société palestinienne de télécommunications (Paltel) de 1995 à 1996. Il est ensuite recruté en tant que conseiller auprès du Fonds d’investissement public saoudien de 1997 à 1998, avant de conseiller le gouvernement du Koweït sur les questions économiques en 2000.

Au service de l’Autorité palestinienne

À partir de 2005, Mohammed Moustafa commence à travailler auprès de l’Autorité palestinienne. Il entre en fonction au Fonds d’investissement palestinien (PIF) en tant que directeur général, ce qui l’amène à travailler à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

L’économiste devient ensuite vice-Premier ministre des trois gouvernements successifs nommés entre 2013 et 2015 par le Premier ministre Rami Hamdallah. Il prend aussi en charge l’économie nationale dans le second.

M. Moustafa conserve ces portefeuilles au sein du troisième gouvernement dit d’union nationale, formé à la suite de l’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas en 2014. C’est dans ce cadre qu’il se retrouve aux commandes de la reconstruction de Gaza, après la guerre menée par Israël dans l’enclave la même année.

Mais c’est aussi ce dossier qui le pousse à la démission en avril 2015. Le docteur Moustafa aurait ainsi agi en réaction aux luttes de pouvoir naissantes entre le Hamas et le Fatah sur ce dossier, affirmait un responsable palestinien sous couvert d’anonymat à RFI au lendemain de l’annonce. Il retourne alors aux commandes du PIF en tant que président de l’organisation.

Une expertise et un réseau reconnus

En raison de sa longue carrière, Mohammed Moustafa est reconnu pour son expertise technique et sa longue expérience au sein des institutions internationales. Autant d’atouts qui lui seront précieux dans le cadre de son mandat pour renflouer une économie dévastée, avec une capacité à mobiliser des ressources financières internationales et des politiques économiques appropriées.

En effet, Mahmoud Abbas a plongé l’économie de l’Autorité palestinienne dans une situation désastreuse, rongée par la corruption. C’est en tout cas ce que pensaient 87% des Palestiniens en Cisjordanie d’après le think tank américain Washington Institute au début du conflit actuel, sans compter les critiques l’accusant de collusion avec Israël.

Enfin, Mohammed Moustafa est considéré comme politiquement indépendant. Cette neutralité pourrait notamment faciliter la création d’un gouvernement d’union nationale réunissant l’ensemble des territoires palestiniens. Sur ce dernier point, ses précédentes expériences pourraient s’avérer d’autant plus utiles.

Selon un rapport publié en janvier 2024 par le New York Times, des discussions incluant des responsables arabes, israéliens et américains concernant l’après-guerre incluraient notamment un transfert visant à transférer le pouvoir au Premier ministre, laissant le président dans un rôle cérémoniel. Si une telle réforme était mise en place, M. Moustafa deviendrait la figure de proue d’une nouvelle Autorité palestinienne.

Quelles sont les zones d’ombre?

Pour autant, Mohammed Moustafa n’est pas exempt de tout soupçon. S’il est perçu comme indépendant, il reste néanmoins un proche conseiller de Mahmoud Abbas, notamment en ce qui concerne les questions économiques. Cette proximité pourrait donc avoir non seulement un coût politique, mais aussi impacter la gestion de son futur Cabinet.

D’autant plus que le docteur Moustafa est aussi perçu comme corrompu non seulement par une partie de la population palestinienne, mais aussi par certains responsables occidentaux, comme le pointait déjà Foreign Policy en 2015. Le fait que son nom soit apparu dans l’affaire des "Panama papers" n’arrange rien à cette réputation.

Un diplomate européen a ainsi déclaré au Times of Israel que ce nouveau Cabinet constituait surtout une réforme "cosmétique", faute de mieux, mercredi 13 mars. Selon ce dernier, la nomination de M. Moustafa intervient surtout faute de coopération avec Israël sur cette question.

Mohammed Moustafa reste donc une figure controversée dans le paysage politique et économique palestinien. S’il apporte une expertise technique précieuse et une expérience internationale, ses antécédents soulèvent des questions quant à sa capacité à agir efficacement. Son potentiel en tant que Premier ministre reposera sur sa capacité à surmonter ces défis, en sortant notamment de l’ombre de Mahmoud Abbas.